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29 février 2024 4 29 /02 /février /2024 13:44

Un article de Bernard Bousquet

Voici (voir ce lien : Greenpeace et la question de la démographie), ce qu’on entend et lit encore, en 2023, de la part d’une organisation écologique que l’on croyait pourtant sérieuse et objective. Greenpeace, n’admet visiblement pas que démographie et écologie soient antagonistes, indépendamment des inégalités sociales et du rôle du capitalisme mondial.

S’opposant à l’idée de surpopulation pour la raison même que cette menace serait brandie pour faire endosser aux populations défavorisées la responsabilité de la crise climatique, Greenpeace semble ne pas vouloir admettre qu’un trop grand nombre d’humains puisse avoir un impact quelconque sur l’environnement. Pour l’organisation écologiste, l’environnement semble se limiter aux émissions de GES dont seules quelques dizaines de multinationales seraient responsables ! Pourtant, une analyse un peu approfondie montre que :

1) Sur le plan du dérèglement climatique, l’ « empreinte écologique » (Global Footprint Network) permet de constater que la biocapacité planétaire se réduit d’année en année du seul fait de notre nombre. Plus nous sommes nombreux, moins nous avons d’ « hectares globaux » à notre disposition. Cela n’enlève rien au fait qu’une minorité de pays et une minorité de personnes très riches sont les plus gros consommateurs de ressources naturelles, les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre (GES) et les plus gros pollueurs. Mais ce sont là deux problèmes différents. Un Chinois tout seul a une empreinte écologique faible comparée à celle d’un Américain, mais la Chine dans son ensemble, avec son énorme population, est de loin le plus gros émetteur de GES de la planète. On le voit, l’augmentation de notre population a un impact certain sur le climat. Nous verrons aussi plus loin que le GIEC a sousestimé les émissions polluantes africaines.

2) L’environnement ne se résume pas au climat, il englobe aussi la biodiversité. Dans ce domaine, il est difficile d’admettre que l’explosion démographique de l’Afrique subsaharienne puisse être sans conséquences ! L’augmentation incessante et rapide de ses populations cause sur le continent noir des préjudices considérables aux écosystèmes naturels. Ainsi, le deuxième plus grand massif forestier de la planète (après l’Amazonie) est rongé de l’intérieur par l’agriculture sur brûlis itinérante, dont la cause primaire n’est autre que l’accroissement du nombre des bouches à nourrir. Même si ce sont souvent les sociétés forestières (européennes, asiatiques, multinationales) qui exploitent de façon plus ou moins opaque la forêt dense, ouvrent des pistes forestières dans lesquelles, comme dans des voies d’eau, les agri-villageois et les braconniers s’engouffrent, métastasant les dernières grandes forêts primaires !

Dans les villes africaines, plusieurs étant devenues des mégapoles (Lagos, Kinshasa, Abidjan, Luanda, Dar-es-Salaam …), la consommation de bois (combustible principal) ravage des territoires entiers. Les terres cultivées s’étendent de plus en plus au détriment des savanes et des forêts, jusque-là parcourues par une exceptionnelle diversité animale. Mais la destruction des habitats naturels et le braconnage la cantonnent peu à peu la faune dans ses derniers refuges, parcs nationaux et réserves, que les gestionnaires essaient tant bien que mal de justifier et de protéger face aux pressions périphériques.

Comment ne pas voir que surnatalité et surpopulation sont antinomiques au bien-être humain ? Quelle femme africaine accepte de bon cœur d’engendrer un enfant tous les deux ans dès son adolescence ? De supporter le coût économique d’une famille nombreuse, qu’au moindre aléa elle verra sombrer dans la famine et la pauvreté ? Quelle jeune fille, avec des projets d’avenir, accepte de bon coeur de se voir retirer de l’école à 13 ans en vue d’être mariée ? Greenpeace va chercher des exemples extrêmes, comme la stérilisation forcée de femmes racisées ou la fusillade d’El Paso, pour tirer sa dernière et fatale cartouche en guise de conclusion : le racisme !

Pourquoi aller chercher le racisme en appui à une prise de position radicalement démosceptique (néologisme quelque peu ambigu qui se comprend par rapport à la démographie et non à la démocratie) ? Mais où se situe le véritable humanisme ? Comment l’homme pourrait-il vivre librement et sereinement sa condition humaine en continuant de se multiplier ? Car même si les projections de l’ONU montrent que la population mondiale se dirige vers un sommet démographique de 11 ou 12 milliards d’humains en 2100, il n’en demeure pas moins que le continent africain risque de voir (sans changement de trajectoire) sa contribution augmenter jusqu’à 40 % du total.

Qu’aura l’Afrique à gagner d’un tel bilan ? Elle aura dilapidé la quasi-totalité de ses richesses naturelles renouvelables, sa population s’entassera dans des mégapoles surpeuplées aux gigantesques bidonvilles violents et malsains. Et comment ne pas admettre en sus que cette croissance démographique est l’un des paramètres les plus prégnants de l’insécurité alimentaire (sans négliger la crise climatique, la guerre en Ukraine, le Covid-19, le djihadisme, les invasions acridiens …). L’autonomie nutritionnelle, la résilience agricole d’une grande partie du continent sont toutes deux mises à mal par la dégradation des sols et les fléaux précédents.

Scénario catastrophe ? Dénoncer la surnatalité et la surpopulation n’est pas consubstantiel de la thèse du « grand remplacement », dont parle certain courant de l’extrême droite française quand il envisage l’ampleur de l’immigration en France et en Europe, ou quand il propose la « remigration » comme un palliatif à ce problème. Il n’y a aucune honte à montrer de l’inquiétude face à cette dangereuse évolution démographique de l’espèce humaine. Le grand remplacement existe bien, mais pour décrire un tout autre phénomène : la confiscation par l’être humain de l’ensemble des niches écologiques à son profit exclusif. Un anthropocentrisme au détriment des autres espèces du vivant que nous délogeons peu à peu de leur ancestrale place au sein de la biosphère. Notre inquiétude ne concerne pas la seule Afrique et ses 1,4 milliard d’humains actuels.

En Europe aussi la démographie semble intouchable, et aucun pays n’envisage de donner un coup de frein à la croissance de sa population. Quoique vieillissant, le « vieux » continent ne se dépeuple pas pour autant ! L’immigration compense largement les déficits de natalité internes. Or cette immigration, perçue uniquement comme un flux quantitatif de personnes, est directement dépendante du rapide accroissement démographique du grand voisin africain. Voulue ou pas, elle ne peut que s’amplifier étant donné les conditions de vie de plus en plus défavorables que connaissent et vont connaître (si rien ne change) les populations d’Afrique de l’ouest et d’Afrique centrale. Les dérèglements climatiques, les destructions écologiques, les conflits internes, les fléaux sanitaires, et les pertes d’autonomie des pays subsahariens en sont et en seront les causes essentielles. Nous voyageons, en France au moins, au pays des contradictions ! D’un côté, un discours officiel qui prône la sobriété et la transition écologique doté de lois telles que « Climat et résilience », « Zéro Artificialisation Nette », « Accélération des énergies renouvelables » …, de l’autre un discours tout aussi officiel de « réarmement démographique » avec une politique nataliste qui se renforce. Incohérence d’exiger de chacun plus de sobriété et une population qu’on veut croître plus vite. Alors qu’il faudrait stabiliser notre nombre.

Oui, il est temps de le faire. Il n’est là question ni de dirigisme ni d’autoritarisme dans ce domaine, mais de simple bon sens : l'équilibre démographique est basé sur deux enfants par famille (sans émigration, ni immigration). La surpopulation est déjà évidente dans de nombreux territoires d’Europe. Ce faisant on se ferme des portes de sortie.

Que fera-ton quand on aura compris que la sagesse est du côté de la territorialisation de l’économie ? Du côté d’une agriculture adaptée aux territoires, de 3 sources d’énergie locales, de circuits courts, de mobilités massivement vertes … Revenons à l’Afrique. Il existe des leviers efficaces pour limiter la surnatalité subsaharienne et les surpopulations qu’elle génère (Nigéria …). L’Europe a les moyens d’aider l’Afrique à ne pas sombrer dans ce gouffre dont malheureusement peu de pays paraissent réaliser le danger. Les programmes de planning familial associés à des programmes d’éducation, d’émancipation et d’autonomisation des femmes ont prouvé leur efficacité. Mais les besoins sont considérables et le temps ne joue pas en leur faveur : il manque actuellement 15 millions d’enseignants à l’Afrique ! La volonté politique est un préalable indispensable, hélas elle fait encore défaut. Le démographe H. Leridon (INED) a calculé qu’en agissant tout de suite, l’Afrique pourrait s’éviter 1,2 milliards d’habitants en 2100. Elle n’en compterait alors que 3,3 milliards, au lieu des 4,5 projetés qui formerait l’effrayant pourcentage de 40 % de la population de la Terre. Cette économie représente l’équivalent de la population de quatre Nigeria, de centaines de milliers d’hectares de terres et de forêts économisés, et probablement de grandes quantités d’émissions de GES évitées.

Car les émissions polluantes de l’Afrique ont été sous-estimées par le GIEC à l’horizon 2030, comme une étude du CNRS vient de le montrer récemment : « elles pourraient atteindre 20 à 55 % des émissions globales anthropiques des polluants gazeux et particulaires ». Car d’une part, on oublie souvent de prendre en compte dans les calculs les pertes de carbone dues à la déforestation (feux de brousse, brûlis des défrichements, sols à nu), de l’autre, les scientifiques annoncent que le bilan carbone des grands massifs forestiers africains, de plus en plus fragmentés, se dégrade d’année en année. En clair, comme en Amazonie, ils risquent de basculer vers plus d’émission que de captage de CO2. Cette correction met du sable dans le raisonnement de Greenpeace : la baisse de la croissance démographique subsaharienne aurait donc bien à terme un effet positif sur le climat. Il ne s’agit pas de « contrôle démographique », mais l’expression est utilisée par ceux-là mêmes qui s’opposent à toute régulation de notre population, pour mettre en exergue un caractère répressif et privatif de cette politique. La politique de l’enfant unique de Mao, le malthusianisme, ont laissé des traces dans nos imaginaires … J’ai proposé les termes d’éco-démographie et de société d’équilibre et de renaturation (La Sagesse de l’éléphante, ed. Libre & Solidaire, Paris 2023).

Greenpeace, association écologique, serait-elle en faveur de l’artificialisation des sols ? Car comment l’éviter, comment mettre en place une loi ZAN sans stabilisation démographique. Comment empêcher l’étalement urbain ? Greenpeace ignore-t-elle que le logement est responsable à 60 % du grignotage des ENAF (espaces naturels et forestiers) ? Ignore-t-elle que 4 selon l’UICN, la France perd chaque année plus de 60 000 ha de terres (l’équivalent d’un département par décennie !) ? On sait que les méthodes vertueuses, telle que l’agro-écologie, qui prônent des agricultures à taille humaine diversifiées et territorialisées, ont des rendements moindre que l’agriculture et l’élevage intensifs. Comment les généraliser sans envisager au préalable une politique éco-démographique ?

J’ai toujours admiré et continue d’admirer et de supporter (même si je ne cotise pas, car j’adhère déjà à un certain nombre d’associations militantes) les actions de Greenpeace. Mais de grâce, que l’Organisation ait la sagesse de ne pas se fourvoyer dans un domaine qu’elle ne semble pas maîtriser. Je crois même, qu’au moyen d’un contre-article, il serait tout à son honneur de faire machine arrière en matière de démographie. Cette nouvelle prise de position briserait un tabou et décoïncerait un débat, que les écologistes politiques n’ont jamais voulu enrichir (à part Dumont, Cousteau, Levi Strauss, bien sûr), craignant (à tort à mon avis) de s’enliser dans les terres de l’extrême droite.

Bernard BOUSQUET Écologue-forestier

Membre de Démographie Responsable et de la Sepanso

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23 février 2023 4 23 /02 /février /2023 19:04

Un article de Gilles Lacan, ancien magistrat

Sous les effets conjugués du dérèglement climatique et de la perte de la biodiversité, autonomes l'un par rapport à l'autre mais tous deux causés par l'activité humaine, le monde risque d'être confronté dans une génération, peut-être avant, à un effondrement économique général.

Celui-ci pourrait être la conséquence de pénuries énergétiques, affectant plusieurs pays ou continents, couplées à des épisodes de stress hydrique ou de famines, en concomitance avec des pandémies potentiellement plus sévères que celle du covid. Cela dans l'hypothèse optimiste d'une absence de conflit militaire majeur.

Pour faire cesser le réchauffement climatique, acté dès le sommet de Rio en 1992, et se prémunir contre ses conséquences dévastatrices (pour l’homme), les dirigeants de la planète font habituellement valoir qu’il faudrait recourir à des technologies décarbonées - nucléaire, énergies renouvelables, voitures électriques – et promouvoir l’économie circulaire. Ainsi pourrait-on concilier le maintien de la croissance et la défense de l’environnement.

Mais, dans la réalité, malgré la mise en œuvre de politiques s’inspirant de ces principes, la situation n’a fait que se détériorer depuis trente ans. En particulier, la température moyenne mondiale n’a pas cessé d’augmenter et paraît aujourd’hui échapper à tout contrôle. Quant à la chute de la biodiversité, elle a dépassé, et de loin, les pires niveaux jamais atteints depuis la naissance de l’humanité, au point de menacer à court terme nos ressources alimentaires.

Le temps est compté, nous n’avons plus trente ans à perdre. Pour retarder l’effondrement ou, au moins, en atténuer les effets, il faut dès maintenant organiser la résilience et, pour cela, faire des choix beaucoup plus radicaux. Compte tenu de la vulnérabilité de notre système économique globalisé et en l’absence d’une structure politique internationale capable d’imposer une stratégie d’ensemble, ces choix doivent être prioritairement orientés vers la démondialisation.

L’idée sous-jacente est qu’en temps de crise, l’interdépendance des économies est un facteur de fragilité et d’irresponsabilité, et que la résilience globale sera d’autant plus efficace qu’elle sera portée par chaque peuple, replié sur son propre territoire.

En ce qui concerne la France, il s’agira d’abord de restaurer notre souveraineté alimentaire, sur la base de petites et moyennes exploitations polyvalentes et d’une agriculture sans pétrole, sans engrais chimiques et sans pesticides. Celle-ci pourra-t-elle nourrir 70 millions d’habitants dans ces conditions ? Ce n’est pas certain, même si l’on mobilise des millions d’emplois dans ce secteur.

Il faudra aussi relocaliser les industries, revenir aux basses technologies et réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Cela ne sera pas possible sans un recours sévère au protectionnisme.

Il faudra encore raccourcir les circuits de distribution, réduire les déplacements de personnes, adapter la population aux capacités de portage de chaque territoire, décentraliser les principaux services publics et réduire le format de l’administration.

Et sans doute enfin faudra-t-il travailler plus pour gagner moins parce que, faute d’énergies fossiles, la productivité va s’effondrer et que, fabriqués en France, les produits manufacturés coûteront nécessairement plus cher.

Mais il n’y a pas d’alternative. Nous fonçons droit dans le mur : freiner est sans doute la pire des solutions… après toutes les autres.

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25 avril 2020 6 25 /04 /avril /2020 12:04

Sous le titre « Un monde à réensauvager » et sous la plume de Vincent Nouyrigat, le magazine Science & Vie publie dans son dernier numéro (*) un article sur les vertus d’une politique de protection de l’environnement, consistant à … ne rien faire ! Se contenter d’abandonner les territoires et laisser la nature rétablir elle-même les équilibres.

Cette politique, probablement la seule valable, même si l’on peut initialement envisager quelques interventions comme la réintroduction d’espèces, va à contre-courant de bien des stratégies menées ces dernières décennies. Encore aujourd’hui, l’on s’évertue à éliminer les bois morts alors qu’ils constituent un élément essentiel des milieux forestiers.

L’auteur rappelle avec raisons trois caractéristiques des écosystèmes naturels : la complexité via la multiplicité des interactions, la nécessité des migrations animales et végétales sans entraves et le rôle déterminant du hasard. Ces trois règles ont modelé la vie depuis ses débuts

La nature n’a besoin que d’une chose : de l’espace et du temps ! Depuis 500 millions d’années, la Terre héberge une grande faune. En quelques millénaires l’homme à presque tout détruit, pouvons-nous, au regard de ce constat nous prévaloir d’une quelconque compétence écologique ?

Contrairement à une tendance en vogue même dans les sphères de l’écologie militante, l’Homme ne doit pas être le jardinier de la planète, il ne doit pas prendre en charge sa santé, il doit juste ne pas intervenir.

C’est aussi une excellente leçon de modestie quant à notre rôle et notre façon de nous intégrer à la nature. Nous en faisons partie, mais nous n’en sommes ni les maîtres ni même les gestionnaires.

Cette vision, assez proche de celle de James Lovelock suppose bien entendu de partager l’espace, d’être moins nombreux, de respecter le reste du vivant.

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(*) Science & Vie, numéro 1232, mai 2020, p.109 à 114, article de Vincent Nouyrigat.

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3 avril 2020 5 03 /04 /avril /2020 10:04

 

Un article de Daniel Martin

Après la crise sanitaire sans précédent du Covid-19, notre monde reprendra-t-il ses « bonnes  et vieilles habitudes » ou nous attarderons nous enfin sur la problématique démographique et l’économie amorcera-t-elle un changement radical ?

Cette crise sanitaire, incomparable à certaines autres nous permettra-t-elle de reconsidérer notre système économique, mais aussi la question démographique ?

Cette grave crise sanitaire aura permis à la majorité de nos concitoyens de mettre en évidence les incohérences, voire certaines absurdités de notre système économique et les limites de la mondialisation. Mais aussi des métiers invisibles qui paraissent soudain essentiels et d’autres plus visibles qui le sont moins ou ne le sont pas.

Par cette crise sanitaire sans précédent, le ralentissement de l’économie est des plus inquiétants d’un point de vue social, démocratique et humain. Toutefois, elle représente une opportunité à saisir pour repenser notre modèle économique. On peut néanmoins s’interroger, tant que la question démographique et ses effets ne sont pas abordés, si on est réellement en mesure de prévoir et anticiper des mesures pour éviter ce genre de choc, ou de mieux les absorber.

Cette crise sanitaire nous recentre également sur des essentiels : l’accès à l’alimentation qui impose les productions essentielles, leur acheminement et leur distribution, à la santé qui a mis en évidence les difficultés inhérent à des erreurs politique de gestion passées, à la relation avec les autres apparaissent ainsi comme des besoins les plus vitaux. Elle questionne également sur l’utilité de certaines activités et les besoins de mise en valeur pour d’autres.

Le Covid-19 sonne comme un rappel des limites démographiques.

Il a fallu un virus particulièrement violent pour nous rappeler le sens des limites et de la mesure, pour nous rappeler notre vulnérabilité, et mettre en évidence la fragilité des systèmes complexes que nous avons construits sans nous soucier de ses effets, notamment par une croissance démographique non régulée. Nous ne contrôlons pas la nature, nous en faisons partie. Quand on détruit annuellement plus de 100 000 km² de terres arables, que l’on déboise et déforeste de façon intensive en détruisant la biodiversité pour l’urbanisation ou des cultures intensives de soja et huile de palme on peut imaginer les effets.

Dans la nature l'animal a besoin d'espace et de vitesse pour survivre. Le prédateur doit disposer de beaucoup d'espace et de vitesse pour pouvoir attraper sa proie et la proie d'espace encore plus vaste et doit courir encore plus vite pour lui échapper. Si l'homme n'a plus besoin de la vitesse pour pouvoir survivre, il doit toutefois disposer d'espace. Avec une perte de 275 km2 par jour de terres arables (100 375 km² par an) sous le béton et l'asphalte, du aux effets de l'urbanisation, des voies de circulation de circulation routières, ferroviaires à grande vitesse, aéroportuaires et une population qui explose, on peut imaginer l'impact écologique ! Chaque jour, on compte 244.000 nouvelles personnes de plus dans le monde (équivalent à la totalité de la population de la ville de Montpellier), soit + 2,7 habitants de plus par seconde (compteur). Autrement dit, la population mondiale s'accroît chaque année de près de 90 millions d'habitants grâce à un nombre de naissances supérieur (environ 150 millions) à celui des décès (60 millions). Elle par ailleurs augmenté d’un milliard pour la décennie 2009-2019, (passant de 6,7 à 7,7 milliards) avec la probabilité d’atteindre les 8 milliards d’habitants en fin 2020... A lire également par ce lien :

A cet effet comme observe l’écologie science, aucune espèce ne peut indéfiniment proliférer au détriment des autres espèces comme le fait l’homme, sans se mettre elle-même en danger et disparaître. Le virus Covid-19 ne serait-il qu’un avertissent parmi d’autres ?

Certes, la médecine par la recherche peut stopper et éradiquer de plus en plus les effets des bactéries et des virus tueurs. Mais on peut s’interroger par rapport à la sélection naturelle inhérente à toutes les espèces animales à laquelle l’homme échappe ainsi de plus en plus, Est- ce que cela ne posera pas un problème majeur sur le plus long terme… Avec pour notre espèce les effets d’affaiblissement moral et physique que l’on peut imaginer et qui seraient tel que le moindre virus pourrait sur le plus long terme éliminer en quelques jours plusieurs milliards d’individus…L’homme, prédateur au sommet de la pyramide des espèces et seul animal culturel oublierait-il qu’il a une double responsabilité : l’une vis à vis des autres espèces et l’autre pour la sienne. Mais il faut prendre acte que cet oubli permanent produit des effets les dévastateurs pour la planète et qu’au fond, par un virus invisible, quand l’homme souffre, la planète souffle... En attendant, la vie continue et la dimension économique ne peut être occultée.

Le Covid-19 signe également un rappel des limites techniques et énergétiques

De même, nous avons à faire face à des limites techniques et énergétiques. Quand les frontières se ferment ou quand le pétrole se met à manquer, c’est toute la chaîne industrielle qui s’effondre. Si au niveau économique cela peut nous réapprendre l’humilité et le bon sens sur le besoin de services publics, de relocalisation d’activités en repensant le rapport au travail et des solidarités informelles, cette crise sanitaire, tout en payant le prix fort avec sa cohorte de victimes n’aura pas été totalement vaine. Mais est-ce cela qui émergera les « jours d’après » ?

Sans recours à un régime politique plus directif, notre démocratie peut-elle imposer les exigences d’un nouvel ordre économique plus conforme aux exigences écologiques?

Remettre en cause les incohérences actuelles du système économique, ne passe-il pas par cesser de concentrer toutes nos productions dans la zone Asiatique, alors que l’on peut produire en France ou en Europe ces importations, ce qui impose des coûts énergétiques considérables pour le transport des produits finis. Certes, cela suppose une reprise en main de l’économie et du système bancaire par le pouvoir politique, éventuellement par des nationalisations ou prise de participation de l’État avec minorité de blocage. Mais cela ne peut se faire que de façon « directive » et concertée au niveau Européen, et non en laissant la « main invisible » du marché libre d’agir au gré des fluctuations boursières…

Faire cesser également certaines absurdités actuelles du système économique

Remettre en cause également l’une des absurdités du système économique est une urgence écologique quand un produit parcours plusieurs itinéraires de longue distance, alors que l’on peut faire plus court par des relocalisations. Il s’agit aussi de mettre un terme aux aberrations d’une production locale qui va faire des milliers de kilomètres pour être transformé ou reconditionner et qui revient ensuite à son point de départ pour être consommée...

Par exemple, En 2017, la distance moyenne parcourue par un produit alimentaire entre son lieu de production et l’assiette du consommateur dépasse la plupart du temps les 2 000 km, et d’autres font jusqu’à 4 800 km ! C’est démentiel ! Il faut se souvenir, par exemple, que le semi-remorque qui a pris feu dans le tunnel du Mont-Blanc, en 1999, était chargé de farine et de margarine belges expédiées en Italie? La margarine devant y être simplement emballée, avant que les paquets ne repartent pour être vendus en… Belgique.

Quand on sait que dix millions de coquilles Saint-Jacques des Côtes d’Armor sont envoyées en Chine pour y être nettoyées avant de revenir en Bretagne se faire garnir… « C’est une question de coût, on ne peut guère faire autrement …» explique un responsable d’une usine bretonne. Sans oublier l’affaire des « lasagnes à la viande de cheval » qui a montré une complexité et une longueur des circuits alimentaires que le consommateur ne soupçonnait pas.

Face à cette folie énergivore et à une agriculture industrielle de plus en plus suspecte, la seule solution est de produire au plus près et de consommer local. Le circuit court peut avoir plusieurs définitions : Aux Etats-Unis c’est une distance de 250 km entre le producteur et le consommateur.  Au Canada, c’est 120 km.  En France un circuit de proximité est fixé à 150 km. Bien entendu, hors agriculture Bio, la seule notion de circuit de proximité ne garantit pas la qualité des produits alimentaires, mais les circuits longs, aux mains de l’agro-business sont toujours plus suspects.

Repenser l’économie doit induire de nouveaux rapports humains et un nouveau rapport au travail, c’est est une urgence sociale, écologique, culturelle. Ainsi avec la nouvelle révolution numérique par le développement du travail à distance, ce nouveau rapport au travail par la remise en cause du « présentéisme » doit surtout éviter l’isolement à domicile, de manière à garantit la sociabilité des individus assujettis à cette forme de travail.

Par rapport à la nouvelle révolution numérique des « intelligences artificielles » rendu inévitable pour l’économie, mais pas seulement

Une nouvelle mutation anthropologique avec un nouveau type de société produit un nouveau type d’individu qui est amené aujourd’hui à agir souvent dans un contexte de vie de plus en plus incertain.

Après la machine à vapeur, la production d’électricité et l’invention du moteur électrique, suivi du moteur à explosion avec une modification en profondeur du rapport au travail, des déplacements, des relations sociales et du rôle de la femme, notamment avec la première guerre mondiale, ces découvertes avaient provoqué une mutation anthropologique en totale rupture avec les précédentes. Avec la nouvelle révolution des « intelligences artificielles » nous assistons à une nouvelle mutation anthropologique totalement différente et sans lien avec les précédentes.

Les avantages ne doivent pas occulter les inconvénients

A cet effet, si la nouvelle révolution numérique offre des avantages concernant la réduction des mobilités avec mise en place souhaitée de s-hub d'accueil de télé travail, elle suscite des craintes justifiées, tant sur le plan économique et sociétal, voire culturel, ainsi que sur le plan environnemental et énergétique. N’oublions pas que les terres rares (qui ne le sont pas toutes) dont sont issus les métaux rares indispensables aux intelligences artificielles, mais aussi à l’éolien et au photovoltaïque, sans compter l’usage quotidien des ordinateurs, smartphone, télévision, appareils ménagers etc. sont une matière fossile qui n’est pas inépuisable. Quand on sait que la Chine détient plus de 90 % de la production mondiale, alors qu’elle possède un peu plus de 30 % des réserves mondiales (44 millions de tonnes métriques pour 120 millions de tonnes métriques dans le monde en 2019) peut imaginer le pire.

Les robots ont désormais « changé de statut » et cela ne cessera pas de progresser

Avec le changement de statut des robots par internet et l’interconnexion entre eux, où aujourd’hui on peut faire fonctionner des entreprises (dites entreprises 4.0) sans peu d’intervention humaine, ce qui va s’amplifier demain avec la 5 G, en particulier dans les entreprises de la grande distribution, compte tenu des nouvelles habitudes d’achat et de livraisons. Il n’y aura d’ailleurs pas que les entreprises de la grande distribution qui seront concernées par la nouvelle révolution numérique, dont nous n’en sommes qu’à la préhistoire, sauf fin brutale de l’humanité...

Dans tous les domaines : entreprises, services, santé, hôpitaux, enseignement, transports, militaires etc. désormais l’Intelligence artificielle s’installe partout avec des applications de substitution totale de l’intervention humaine aux robots par phases successives. Il est évident que l’intelligence artificielle va susciter des espoirs, parfois surréalistes, mais aussi des craintes apocalyptiques, dont certaines peuvent être justifiées, compte tenu de notre culture actuelle.

Aujourd’hui on est en mesure de confier des taches sélectives de décision, notamment, pour la justice, la médecine, l’enseignement, mais aussi faire déplacer des véhicules sans chauffeur ou des drones-taxis sans pilote, y compris faire fonctionner des usines sans aucune intervention humaine grâce aux interconnexions de l’intelligence numérique entre les machines, avec toutes les conséquences d’éthique que cela suppose. Par exemple, s’agissant de la justice pour désengorger les tribunaux, lorsque cela ne relève pas de décisions concernant des jugements dans des situations complexes, où elles doivent être prises en « son âme et conscience », les robots peuvent très bien suppléer les magistrats pour prononcer des sanctions en fonction de critères très précis.

Aller vers un développement généralisé de « l’entreprise 4.0 » qui semble inévitable ne doit pas se faire en détruisant les structures actuelles, ni en construisant de nouvelles installations flambant neuves… Il faut partir de l’existant pour effectuer progressivement des transformations. Une évolution sera beaucoup plus efficace si elle est effectuée par petites étapes, tout en ayant une vision à plus long terme. C’est indispensable si l’on veut éviter une fracture sociale brutale et gagner du temps, car nul doute que de nouvelles activités, aujourd’hui insoupçonnables, apparaîtrons beaucoup plus compatible avec cette nouvelle ère post-croissance dans laquelle nous sommes entrés. Au début des années 1990 nous ne pouvions imaginer l’existence des plateformes numériques et leur impact sur notre vie quotidienne actuelle, bien qu’elles puissent soulever d’autres problématiques, notamment sur le plan social.

Pour conclure

Le Covid-19, outre les contraintes de confinement, nous impose une économie de survie où seuls les produits de première nécessité (alimentaire, énergétiques, santé, déplacements) doivent faire l’objet d’une production, de son acheminement et de sa distribution. Toutes les autres activités sortant de ce cadre, hormis les liaisons téléphoniques et internet, sont suspendues. Mais au fond, faute d’une décroissance démographique choisie et équitable, cela ne préfigure-t-il pas une vie à venir dans le cadre d’un l’effondrement envisagé de la société thermo-industrielle ?

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1 novembre 2016 2 01 /11 /novembre /2016 19:12

Avec la même régularité que les rapports du Giec confirment l’un après l’autre la rapidité du réchauffement climatique et la responsabilité de l’Homme, les rapports  Planète Vivante (1) - probablement bientôt mal nommés - soulignent la dégradation croissante et à vitesse accélérée de presque tous les écosystèmes. Pour dire les choses de manière plus directe, ils décrivent et prédisent la mort à très brève échéance de la quasi-totalité des grands animaux vertébrés avec qui nous partageons ou devrions partager la planète.

La dernière version - le rapport 2016 - ne fait évidemment pas exception et chacun retiendra ce chiffre effrayant : En 42 ans, de 1970 à 2012, le nombre d’animaux vertébrés sauvages marins et terrestres a chuté de 58 %. La chute devrait atteindre 67 % d’ici 2020 (c'est à dire dans 4 ans !) et se poursuivre au rythme de 2 % par an. Nous serons donc bientôt seuls sur la Terre !

On est saisis d’effroi.

On est saisis d’effroi parce que 42 ans c’est un battement de cil. Depuis 400 ou 500 millions d’années la Terre est habitée par les grands animaux et ce sera fini dans quelques années, en réalité, c’est déjà fini. Pendant cette période la planète n’a connu que cinq extinctions majeures, toutes d’origine naturelle, et nous sommes en train de précipiter la sixième à l’échelle d’une simple vie humaine.

On est saisis d’effroi parce l’on peut encore ouvrir les médias et les voir parler d’autre chose, se déchirer pour savoir si le PIB l’an prochain progressera de 0,5 ou de 0,8 % ou si les sondages pour l’un ou l’autre des candidats au pouvoir ici ou là sont un peu meilleurs que ceux de la semaine dernière.

On est saisis d’effroi par l’ampleur de notre faute parce qu’il ne s’agit pas seulement d’une catastrophe, mais aussi d’un crime, nous tuons le monde.

On est saisis d’effroi enfin par l’ampleur de notre aveuglement et les rapports "Planète Vivante" eux-mêmes, s’ils sont nécessaires, n’y font pas exception, passant quasiment sous silence la cause essentielle de cet effondrement, à savoir l’explosion du nombre des hommes.

Les introductions de Johan Rockstöm et de Marco Lambertini (2) qui se terminent d’ailleurs par des propos d’un optimisme en contradiction absolue avec le contenu du rapport,  n’y font pas allusion, le sujet n’est que très rarement abordé dans l’ensemble du texte qui donne une priorité presque totale à la question du mode de vie. Le graphique p. 78 et 79 : « Cartographie de l’empreinte écologique de la consommation » donne par exemple l’impression que le Canada ou la Russie sont catastrophiques pour la planète à cause de leur consommation, alors qu’au contraire, grâce à leur faible densité démographique se sont presque désormais les seules surfaces d’importance (avec quelques régions d’Afrique et d’Amazonie, justement peu peuplées) où subsiste une grande faune sauvage digne de ce nom. On voit bien d’ailleurs (p. 52) que globalement les sols les moins dégradés sont les sols des pays peu densément peuplés, c’est assez logique, le béton faisant mauvais ménage avec l’humus.

Cette sous-estimation du facteur population, devrait d’ailleurs logiquement conduire à une conclusion sans doute non voulue par les auteurs, qui est que nous devrions maintenir une forte proportion de la population mondiale dans la pauvreté.

Ne serait-il pas plus humain, au contraire, de laisser les gens les plus pauvres consommer un peu plus tout en faisant un effort de réduction de la fécondité ?

Page 108, le graphique général : « Les meilleurs choix pour une seule planète » ne fait aucune allusion au problème alors que tout ce qui y est listé en dépend.

Ces rapports enfin qui acceptent et popularisent le terme d’anthropocène, font eux-mêmes preuve d’un anthropocentrisme inquiétant en insistant sur les services rendus par la nature à l’Homme, comme si c’était cela qui devait seul nous motiver. Cet utilitarisme doit être dénoncé, il laisse entendre que si la nature ne nous était pas utile nous aurions le droit de la massacrer, il laisse le respect de côté. Devrions-nous raser l’Amazonie si par hasard il était démontré que les nombreuses espèces végétales et animales qui la peuplent ne devaient nous être d’aucune utilité pour développer notre pharmacopée ?

Dernière critique enfin cette affirmation bien optimiste selon laquelle nous consommerions 1,6 planète (voir p.75 où il est évoqué une biocapacité nécessaire de 1,6 Terre en 2012). C’est un chiffre totalement arbitraire. Par exemple, nous consommons 80 millions de barils de pétrole par jour alors que la Terre n’en produit pratiquement plus, c’est donc dès le 1er janvier à 0 h que nous dépassons le renouvellement de la ressource. Selon le poids (forcément arbitraire) que nous donnons à ce facteur, le chiffre global peut-être totalement différent. Comment aussi intégrer la disparition d’une espèce à cette forme de comptabilité trompeuse, qui laisse d’ailleurs entendre que si nous étions à peine plus de la moitié de nos effectifs actuels nous pourrions durablement vivre sans problème sur ce que la planète peut renouveler ?

Rappelons que durant l’essentiel de son histoire, l’humanité a été mille fois moins nombreuse qu’aujourd’hui, moins encore dans ses temps les plus anciens !

_________________________________________________________

 (1) Ces rapports Planète Vivante sont réalisés par le WWF, la société Zoologique de Londres, le Global Footprint Network et le Stockholm Resilience Centre,  il est possible de les télécharger via les liens ci-après :

 2016 (complet) , 2016 (synthèse), 2015, 2014, 2013, 2012, 2010, 2008.

(2) Johan Rockström est directeur exécutif du Stockholm Resilience Centre et Marco Lambertini est directeur général  du WWF international.

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23 septembre 2016 5 23 /09 /septembre /2016 12:04

Un texte de Gérard Charollois

Parmi les sujets tabous et les interdits médiatiques trône la pression démographique, superbement ornée d’anthropocentrisme béat.

Les villes deviennent tentaculaires, les infrastructures ravagent les sites, la croissance est célébrée en vertu première, souvent fardée de « développement durable ». Dans le moindre village, le plus petit canton, les élus locaux courent après une augmentation perpétuelle de population, gage de leur gestion dynamique et de leur refus de voir leur circonscription devenir « une réserve d’Indiens » !

La terre se couvre d’asphalte et de béton, pour le profit des oligarques vantant leur développement, au nom du « progrès », de « l’emploi », du « désenclavement ». Les populations, anesthésiées par la propagande des milieux d’affaires, ne comprennent pas l’ampleur d’un phénomène qui n’a aucune autre finalité que sa perpétuation.

Pendant ce temps, la biodiversité s’effondre. De 2007 à 2014, 30% des éléphants de savane d’Afrique ont disparu, passant de 457 000 à 352 000 individus. En France, les oiseaux communs, ceux des parcs et jardins, ceux des zones urbaines, sont menacés d’extinction, au même titre que les amphibiens, les reptiles et les insectes.

Les causes de cette mort du vivant sur l’ensemble de la planète sont bien connues : disparition des espaces naturels, prévarication des milliardaires en mal de spéculation face à tout espace non exploité, cupidité des uns, cruauté débile des autres. Entre le promoteur, ses grands ouvrages nocifs et l’idiot de village avec son gros fusil, la nature meurt.

Ainsi, les éléphants, illustration d’un phénomène global, sont victimes des riches Chinois, dépourvus de principes moraux, qui veulent des objets d’ivoire et des braconniers, insensibles à l’écologie et au respect dû à l’animal. D’autres ignorants stupides achètent, à grand prix, des cornes de rhinocéros, pour pallier des déficits d’érections, ce qui s’avère aussi efficace que s’ils consommaient leurs ongles ou leurs cheveux !

Décidément, l’humain a bien tort de s’enorgueillir car, entre sa cupidité, sa cruauté et sa sottise, il ne mérite guère son podium ! Trop nombreux, trop prédateurs, les hommes ne laissent plus de place aux autres espèces vivantes. Du sommet des montagnes aux plaines désertiques, des pôles aux forêts tropicales, l’espèce humaine submerge tous les milieux, les transforme, les exploite, les pollue. Dans un siècle, 75% de la biodiversité aura disparu. Réduire la pression démographique devient un impératif si l’on veut sauver la diversité des formes de vies sur terre.

Comment ? Pour faire gagner la vie, récusons la mort.

Tout être vivant, donc tout humain, possède un intérêt légitime à vivre. Il est donc souhaitable, au nom de cet intérêt, de prolonger la durée de la vie de chaque individu, en lui conférant la santé. Ne limitons pas la population par la mort, mais en utilisant deux autres facteurs.

C’est par la limitation des naissances et des migrations qu’il faut enrayer la cancérisation de la terre par une seule espèce. Bien sûr, ces préconisations n’ont pas le droit de citer, car elles heurtent autant les injonctions monothéistes, favorables au natalisme, que les catéchismes politico-sociologiques, pro-migratoires.

Me voici, une fois encore, iconoclaste choquant pour tous les esprits formatés, parfaitement incorrect au regard des préjugés.

Si certains pays ont vu s’abaisser leur taux de fécondité, à l’instar de la Russie, de l’Allemagne, du Japon, d’autres sociétés perdurent à croître, provoquant des déséquilibres sociaux et économiques dont elles sont les premières victimes.

Contrairement aux politiques natalistes promues par les politiciens archaïques, il y a lieu d’orienter les aides sociales vers la personne et non vers la famille.

La croissance démographique, outre le natalisme, repose désormais, en Europe, sur l’immigration. Que voilà un autre sujet tabou, propice au naufrage de la pensée, aux hallucinations idéologiques.

J’ose l’affirmer : la migration massive et forcée est une souffrance.

Premièrement, souffrance pour la nature, car l’augmentation de population appelle une urbanisation accrue. Deuxièmement, souffrance pour les personnes migrantes, arrachées à leurs terres, à leurs climats, à leurs ancêtres.Troisièmement, souffrance pour les populations locales, elles-mêmes confrontées à des difficultés sociales.

Le natalisme est, bien souvent, fruit de l’ignorance.

L’immigration est fruit de la misère, de la guerre, des obscurantismes qui jettent les peuples sur les routes d’un exil dangereux et douloureux, d’un déracinement frustrant.

Contre le natalisme, il convient d’émanciper la femme, de la libérer des conditionnements, des commandements prétendument divins ressassés par des sociétés archaïques, de lui permettre d’accéder à une sexualité choisie dégagée de la procréation subie.

Contre les migrations de masse, il convient de guérir la misère, la violence, les guerres tribales, les superstitions identitaires qui dressent les communautés les unes contre les autres.

Victor HUGO aurait pu dire : « c’est ici le combat du jour et de la nuit ». Si l’homme extermine l’éléphant d’Afrique, l’hirondelle de fenêtre, le loup, l’abeille et le hérisson, qu’il périsse, étouffé par sa pollution ou noyé dans le sang de ses guerres communautaristes dont nous avons les prémices.

Je veux encore l’inviter à un sursaut éthique, en se débarrassant des milliardaires qui assassinent la planète par leur exploitation frénétique, en éduquant au respect de la vie les idiots de village qui tuent parce qu’ils n’ont pas appris l’unité fondamentale du vivant.

L’humanité peut se perdre par ses tares. Elle peut se sauver en mutant de comportement. Nous, biocentristes, ayons la lucidité de dénoncer les vices majeurs de notre propre espèce pour que celle-ci se réconcilie avec elle-même et avec l’ensemble de ce qui vit.

____________________________________________________________________________

Ce texte a déjà été publié notamment sur le site de Gérard Charollois : Une force pour le vivant ainsi que sur le site Altermonde-sans frontières. Ancien magistrat, Gérard Charollois, est président de l’association écologiste Convention Vie et Nature. Il est également candidat à l’élection présidentielle de 2017.

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4 novembre 2014 2 04 /11 /novembre /2014 07:44

Qui veut faire l'homme, fait la bête

Depuis que l'homme a appris à faire société, à se différencier des autres animaux, il a entretenu la haine de ses origines.

Quand il essartait au cœur des forêts profondes, le futur occidental, avait pour obsession de tenir les bois et leurs hôtes en respect, de mettre des lisières à l'ensauvagement menaçant son âme et sa clairière. La Grèce Antique voyait la nature indomptée comme le domaine des forces femelles sauvages et irrationnelles. Notre civilisation n'a pu se concevoir que hors de et contre la nature. Nature dont l'homme pensait que le dessein était de le rendre, lui, être orgueilleux mais faible, à son ancien état d'animalité. D'où la dichotomie apprise comme une bible entre l'être doué d'esprit et l'être au ''naturel''. 

Pour Florence Burgat philosophe et auteur d'ouvrages sur la condition animale, '' c'est en tant qu'elle indique le sauvage dans l'homme que son appartenance à la nature lui est insupportable ''. Effacer la trace, la tache originelle.

Le rapport de dépendance au monde vivant s'est donc réduit pour l'homme à sa domination. Pour ne pas sombrer dans  l'horreur du ré-ensauvagement, il a dû se rendre  maître de tout ce qui était hors-champ de l'humain. Le réduire, le soumettre. Et sa compétence technique l'a superbement aidé à se de désolidariser des autres vivants, à se délier de son biotope. Il s'est pensé hors-sol. Et il y a si parfaitement réussi que la plupart de nos congénères considèrent comme légitime l'élevage industriel ou l'artificialisation de 165 hectares de terre par jour, en France.

La nature s'est réduite à devenir notre supermarché d'où le sauvage est exclu bien sûr, qui ne produit ni fraises en hiver ni maïs en suffisance pour nourrir nos troupes qui se multiplient sans retenue. Notre imaginaire s'est  habitué à considérer comme animaux, nos seuls chiens et chats, ceux des zoos ou des safaris-photos n'étant que des images divertissantes. Quant au dernier cercle de l'enfer, il est peuplé de nos repas à pattes ou nageoires à qui nous infligeons de sauvages abominations (ne parlons pas des chasseurs ''gérants ''de la nature et maîtres tout puissants de la faune, ou de ce qu'il en reste).

Nous pleurons à présent sur ce qu'est devenue la planète sans pour autant remettre en cause la légitimité de notre mainmise. Et pourtant, tout en refusant le sauvage, nous avons établi une sauvagerie planétaire sur tout le reste du vivant. Frères humains compris (voir à ce sujet   '' L'ensauvagement, le retour à la barbarie '' de Thérèse Delpech).

Préserver la ''nature naturelle''

En réponse au  sentiment naissant de la perte de la biodiversité, est né au XIXème siècle, un courant de préservation des espaces naturels. La première réalisation a été la création du Parc Naturel Yosémite aux Etats-Unis en 1864. En France les débuts furent timides dans la première moitié du XXème siècle : parcs nationaux, puis parcs régionaux dans les années 60. Ceux-ci étaient dans l'esprit de De Gaule des lieux de divertissements et de ressourcements pour les urbains.

Face à tout cela François Terrasson (écrivain et naturaliste), demeure réservé : la nature ne se gère pas, elle s'auto-entretient. Sans nier leur utilité, il dénonce le fait que les parcs servent souvent de paravent à notre désir de soumettre la nature à nos besoins et qu'ils cautionnent une large destruction autour des zones protégées.  

Par ailleurs, ces parcs ont une réglementation plutôt - et de plus en plus - souple : l'exploitation forestière, l'agriculture, l'élevage, la pêche ou la chasse peuvent y être autorisés. « La chasse est autorisée dans 70 % des réserves naturelles d'Etat et dans 100 % des nouvelles réserves de France » (source ASPAS). Quand ce n'est pas, comme dans le parc de Calanques, le déversement de boues toxiques provenant de l'usine d'alumine de Gardanne ! On peut y organiser des battues d'effarouchement du loup comme dans le Parc des Ecrins. La réglementation compose souvent avec la pression des lobbies de la chasse, de l'élevage ou du tourisme. L'urbanisation galopante menace toujours plus de zones naturelles.

Si l'on ajoute à cela  que '' l'engagement de l'Etat de doubler la surface des aires protégées en passant de 1 % du territoire à 2 %, est en panne sèche '' (source ASPAS), on peut être inquiet sur une véritable protection des milieux naturels.

Les Réserves de Vie Sauvage du Conservatoire Espace

Face à cet état de fait, l'Association  pour la  Protection des Animaux Sauvages (ASPAS)  qui lutte depuis 30 ans pour le respect  de la nature, a déposé le label ''Réserves de Vie Sauvage'', ces réserves font partie  du Conservatoire Espace qui a pour but '' de rendre aux plantes et aux bêtes une part de la terre.''

L'ASPAS achète (grâce à des dons de particuliers, d'associations ou des legs) des terrains non-agricoles qui possèdent des caractéristiques intéressantes pour la flore ou la faune sauvage : vieilles forêts, éboulis, zones humides, gorges, falaises...  

Cette méthode de protection de sites naturels est encore peu développée en France, pourtant '' la maîtrise foncière constitue le moyen le plus sûr pour assurer une protection solide et pérenne des milieux naturels. Elle permet d'adapter au plus juste les modalités de gestion, dans le seul intérêt de la vie sauvage.''

D'ailleurs n'importe qui peut ainsi, en donnant 30 euros, permettre la création d'une parcelle de 200 m2 préservée, appelée '' part de vie sauvage'' et  participer activement à la protection du patrimoine naturel.

L'association a ainsi pu créer trois réserves :

Celle Grand Barry sur la commune de Véronne (26), 105 hectares de bois et landes avec des richesses en termes de flore (orchidées), invertébrés, reptiles, mammifères (cerfs, chamois, renards, blaireaux, etc. et la présence confirmée de loups et lynx à proximité).

Celle des Deux Lacs : 60 hectares de zones humides au confluent du Rhône et du vieux Rhône, à Châteauneuf du Rhône (26), correspondant à d'anciennes gravières où la vie reprend ses droits.

Celle du Trégor : 60 hectares de taillis et forêts dans les Côtes d'Armor, longés par un cours d'eau à saumons réputé.

Une autre réserve est en cours de création dans le Massif Central.

Ces espaces bénéficient d'une réglementation très restrictive: chasse, pêche, cueillette, exploitation agricole ou forestière... y sont interdites. La promenade à pieds y est permise dans les sentiers prévus, les chiens y sont tenus en laisse. Le Conservatoire veille à l'indépendance vis à vis  des contingences politiques ou économiques et ne  « transigera pas sur le respect de la faune, la flore et sur sa libre évolution (Naturalité) ».

La Réserve du Grand Barry a intégré le réseau européen Rewilding Europe qui espère bloquer la dégradation continue de la biodiversité et faire de l'Europe, un espace géographique plus favorable à la vie sauvage et aux processus naturels de la faune et de la flore.

Le comédien et réalisateur Jacques Perrin est le parrain de la réserve du Grand Barry, voici 2 extraits de son beau discours d'inauguration :

'' Nous puisons nos rêves dans la nature indomptée et rebelle. Elle éveille notre curiosité d'enfant et nous ressource en affichant une infinie diversité. Multiplier les réserves, c'est laisser aux hommes à venir des jardins secrets pour s'y perdre. ''

'' Chaque fois que nous avons su offrir à la nature un espace de liberté, elle s'est de nouveau épanouie dans toute son exubérance et sa diversité. La nature se débrouille très bien toute seule, elle n'a nul besoin que nous l'entretenions. ''

Ces réalisations uniques en France, témoignent de l'acceptation d'un nouveau rapport à la Terre, l'acceptation d'un hors-champ humain. La forêt n'a pas besoin de nous. Ceux qui la peuplent non plus. Nous ne sommes pas les jardiniers  de notre planète - tout au plus de notre potager - mais nous ne devons plus être ses prédateurs barbares.

Ceux qui ont eu la chance de passer leur enfance près des forêts, des ruisseaux, des près  savent quels trésors ils ont engrangés pour toute leur vie. Ils savent aussi quelles pertes terribles ils ont vécues et vivent encore, à cause des milliards d'humains avides et inconscients.

Que serait le monde sans jardin secret où se perdre, sans bois ou grève sauvage ?

La nature sauvage non seulement a nourri notre imaginaire mais elle a été la matrice de nos mythes fondateurs, de nos légendes humanisantes. F. Terrasson distinguait entre '' l'hominisation'' terminée depuis un demi-million d'années et l''humanisation '' encore en cours. Il s'agit d'échapper à la tyrannie de la violence, de la prédation, de trouver des règles de respect  et de coopération à l'intérieur de l’espèce, avec les autres espèces, la nature. Quel travail encore à faire !

Voilà pourquoi les Réserves de Vie Sauvage participent à notre humanisation, à l'écart de la sauvagerie de notre siècle !

'' L'homme est le fils de la forêt et le père du désert.'' R. Jeannel

'' L'homme, on dit qu'il est fait de cellules et de sang. Mais en réalité, il est comme un feuillage. Non pas serré en bloc mais composé d'images éparses comme les feuilles des arbres et à travers desquelles  il faut que le vent passe pour que ça chante.'' J. Giono

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12 décembre 2013 4 12 /12 /décembre /2013 13:04

Le président du Comité National des Pêches Maritimes et des Elevages Marins (CNPMEM), M. Gérard Romiti  vient de faire publier dans le Monde du 10 décembre dernier, sous la forme d'une lettre au Président de la République, une publicité surréaliste dans laquelle il prétend que les pêcheurs sont les vrais écologistes de la mer. C’est écrit en gras pour que nous en soyons bien convaincus. On tombe à la renverse devant une telle affirmation !      

Les pêcheurs sont là dans une défense syndicale de leurs intérêts de court terme, mais ils sont à mille lieues de l’écologie. Tous les grands cétacés ont failli disparaître et il a fallu les combats de beaucoup d'écologistes, contre les pêcheurs justement, pour sauver le peu qui a pu l’être. Au Japon, en Norvège et en Islande quelques-uns mènent encore ce combat d’arrière-garde pour maintenir le droit de chasser jusqu’au dernier ces extraordinaires animaux. En 50 ans nous avons exterminé selon les espèces entre 50 et 90 % des grands poissons. La morue dont la mer regorgeait est maintenant réduite à presque rien et les rares prises sont de plus en plus petites, ce phénomène touche d'ailleurs beaucoup d'autres espèces. La défense des systèmes écologiques des grands fonds dont une bataille vient d’être récemment perdue suite au rejet par le parlement européen de l’interdiction du chalutage (1) dans ces zones illustre une fois de plus notre impuissance et notre marche vers l’abîme. Le sabre, l’empereur et le grenadier, (2) habitants de ces lieux fragiles subiront le même sort que les autres malgré le combat mené par Claire Nouvian et quelques associations comme Bloom.    

Cette récupération corporatiste de l’écologie n’est pas propre aux marins pêcheurs. Les agriculteurs parfois et les forestiers aussi prétendre être les vrais acteurs de la protection de la nature (par opposition à l’urbain « bobo » dont la caricature est sous-jacente à ces affirmations). Pourtant nos sols sont détruits (voir par exemple les explications de Claude Bourguignon), nos forêts sont maintenant des lieux de monoculture où on privilégie le rendement, où les arbres morts (pourtant essentiels au cycle de la forêt) sont éliminés, où l’on plante au lieu de laisser la sélection naturelle faire son terrible, mais si nécessaire, rôle d’adaptation du vivant, bref ce sont des lieux de productions économiques et non plus des espaces naturels.

Que les marins ou les agriculteurs veuillent vivre et défendre leur métiers, on doit l'admettre, qu’ils affirment nourrir les hommes et qu’il faille bien en passer par là, on peut le comprendre. Ces professions ont de vrais arguments à faire valoir, comme les routiers d’ailleurs qui rappellent que pour que nous puissions consommer il faut bien qu’un camion ait amené les produits jusqu’à leurs distributeurs ; mais qu’ils prétendent agir au nom de l’écologie, voilà qui relève du mensonge.

Cela n’exonère pas le consommateur de sa responsabilité. Il va de soi que toutes ces activités (pêche, agriculture intensive, bétonisation générale du territoire au nom du transport…) n’existent que parce qu’en face se trouve une demande. In fine la responsabilité incombe à la terrible multiplication de notre nombre par notre appétit de consommer, à laquelle les différentes professions ne font que répondre. Il ne s’agit donc pas de les ostraciser, tout le tissu économique est responsable.

C’est un problème de fond que des écologistes comme James Lovelock avaient bien compris. Quel est le rôle de l’homme ? Voulons-nous nous substituer à la nature et devenir les gestionnaires de la planète ?  Cela serait un pari bien audacieux ! La nature a préservé la vie sur Terre pendant 3,8 milliards d’années et en quelques siècles nous avons mis à bas la plupart des grands équilibres tout en éliminant presque toute la mégafaune. Au vu de ce bilan nous réclamons le droit d’aller plus avant et d’êtres les écologistes de notre Terre ! Allons donc, quelle indécence !

Les véritables écologistes sont ceux du « non agir », ce sont ceux qui ont pour seul objectif de laisser de l’espace et du temps pour que la nature retrouve ses droits et ses règles de fonctionnement qui ont depuis tous temps à la fois fait leurs preuves et sculpté la magnificence de la planète. Le seul combat écologiste qui vaille est de redonner à la nature la maîtrise de ses équilibres, il n’est pas de nous y substituer, il n’est pas de nous en réclamer quand, au contraire, nous la détruisons.

Concernant la pêche, sans doute ne pourrons-nous nous passer d’une réflexion sur la pertinence d’une économie de prédation dans un monde de sept milliards d’humains. D’ailleurs sur la terre ferme depuis longtemps ce type d’économie s’est évidemment révélé intenable. Un prédateur de 50 kg comme l’Homme a besoin de plusieurs kilomètres carrés par individu. Nous sommes environ mille fois trop nombreux pour maintenir ce mode de fonctionnement. On ne parle plus de poissons d’ailleurs mais de réserves halieutiques. Ce choix des mots exprime au mieux notre chosification de la nature et le peu de considération que nous portons au vivant.

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(1) Voir aussi cet article du Figaro ainsi que celui-ci du site Biosphère.

(2) Sur ces trois poissons voir également ce site.

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19 novembre 2013 2 19 /11 /novembre /2013 09:48

Foret--il-etait-une--film.jpgAbandonnons un instant l’écologie politique, l’écotaxe et les débats internes à nos « verts » pour revenir au fondamental : s’émerveiller devant la nature et découvrir quelques-uns de ses mystères.

C’est ce que nous propose Il était une forêt, le film de Luc Jacquet qui met en scène les étapes de la reconstitution d’une forêt primaire et certaines des extraordinaires interactions entre les arbres ou entre eux-mêmes et les animaux.

Si l’idée est excellente, l’impression reste mitigée sur le plan technique.  Les images n’ont rien d’exceptionnel et l’on ne saurait reprocher à ce film  un esthétisme envahissant. L’ensemble, malgré la fixité obligée des acteurs aurait pu être beaucoup plus impressionnant. On regrettera surtout l’introduction quasi permanente d’images de synthèse. Ainsi la levée des jeunes pousses, mais aussi l’émission des messages chimiques par les plantes sont-elles systématiquement représentées par des sortes de dessins animés dont on se demande ce qu’ils viennent faire là. Quand on aimerait se plonger dans la nature, ils nous ramènent toujours à l’artifice et détruisent toute magie. Pour la croissance de la végétation par exemple, l’utilisation, bien que classique, d’images en  accéléré aurait été largement préférable. Sans être désagréable, la musique omniprésente n’a guère sa place ici quand les bruits de la forêt nous auraient tellement mieux plongés dans ses envoûtements. Ce film construit autour de la tendresse évidente et touchante du botaniste Francis Hallé pour les arbres pose un problème : on ne se sent presque jamais au cœur de la forêt. Le message est sincère mais il est dit trop sobrement et ne dégage pas la poésie qu’on pouvait en espérer même si l’on ne peut qu’être fasciné par le terrible figuier étrangleur.

Le volet documentaire aussi est un peu léger. Quiconque a lu les ouvrages de Jean-Marie Pelt n’apprendra pas grand chose sur la question et l’on aurait aimé plus d’exemples de l’extraordinaire sophistication des communications inter végétales. Quoiqu’évoquées plus largement, les milles astuces de la dissémination des graines par les animaux auraient, elles-aussi, gagné à être multipliées et détaillées.

Pour les enfants ce film constitue par contre une excellente initiation d’autant, que le message principal, s’il pouvait être entendu, rattraperait à mes yeux toutes les petites imperfections du film. Protéger la nature ce n’est pas prendre des mesures compliquées, c’est juste lui laisser de l’espace et du temps. C’est apprendre à partager le monde avec le reste du vivant. Francis Hallé et son immense amour de la forêt nous dit là une chose très juste.

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Il était une forêt, un film de Luc Jacquet avec Francis Hallé. Jean Luc Jacquet est également le réalisateur de La marche de l’empereur.

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27 septembre 2012 4 27 /09 /septembre /2012 14:04

Science-et-vie-octobre-2012.jpgLe magazine Science & Vie revient dans son numéro d’octobre (1) sur un débat qui commence, hélas, à s’imposer au sein de la communauté scientifique : Quelles espèces allons-nous (tenter de) sauver ? Et son effroyable corollaire : Quelles espèces allons-nous délibérément sacrifier ?

Parce que oui, terrible constat d’échec, nous en sommes là ! Désormais, pour beaucoup de naturalistes, préserver la biodiversité est une tâche au-dessus de nos moyens : Nous n’y parviendrons pas !

Alors, plutôt que de se voiler la face et de tenter l’impossible, autant accepter la réalité et concentrer tous nos forces sur quelques espèces avec, espérons-le une chance raisonnable de succès.

Folie ? Cynisme ?  Réalisme ? Quoi qu’il en soit, le débat est lancé et il génère inévitablement une interrogation sur les règles de ce tri cornélien. Comment déterminer les animaux dignes d’être sauvés ? Selon quelles lois condamner les autres ?

Science & Vie recense quatre ensembles de critères.

- l’originalité des espèces (ex: Le cœlacanthe, l’ornithorynque).

- leur rôle déterminant dans un écosystème (ex : Le loup…)

- leur valeur symbolique (ex : Le tigre, l’éléphant…)

- leur utilité (au sens utilitariste pour l’humanité ?)

On s’en doute, chacun de ces critères laisse la place à l’arbitraire et ouvre la porte à mille débats indécidables. Ajoutons d’ailleurs des interrogations liées à la probabilité de succès. Science & Vie évoque ainsi le cas du Rhinocéros de Java. Passerait-il tous les examens d’entrée à cette « porte de Noé » cet animal, dont les effectifs, aujourd’hui réduits à 50 individus, et l’habitat quasi détruit est promis à une extinction presque certaine. Est-il alors raisonnable de tenter quelque chose avec des moyens qui pourraient être plus utiles ailleurs ? Le tigre non plus, n’est pas loin d’entrer dans cette catégorie.

Cette approche, et l'on aimerait pouvoir dire, heureusement,  ne fait pas l’unanimité (2).

Pour des raisons morales d’abord : C’est une façon d’acter l’échec et de reconnaître qu’en fin de compte la planète doit être réservée à l’Homme seul; point de vue sans doute aussi détestable qu'intenable, bien qu'encore largement partagé.

Mais on peut également lui opposer des raisons d’efficacité. Les équilibres écologiques sont tellement complexes et s’appuient sur tant d’interactions que l’idée d’un choix d’espèces à protéger n’a aucun sens. Ce qu’il faut protéger au contraire, ce sont de vastes espaces laissant à la nature toute liberté pour ces interactions.  Ce sont les écosystèmes qu’il faut protéger, les espèces qui les habitent le seront en conséquence. Cette approche est probablement plus raisonnable mais elle se heurte à un problème majeur : Comment dégager de l'espace dans un monde qui vient de doubler ses effectifs au cours des quarante dernières années et qui s’apprête encore à  rajouter 3 milliards d’habitants à la planète d'ici la fin de ce siècle ?

La protection du monde vivant heurte de front nos élans économiques et démographiques. Il faut avoir la lucidité et  courage de dire qu’il n’y aura pas d’échappatoire face à ces contraintes.

N’en déplaise à toute une branche de l’écologie bien-pensante et aux adeptes d’un miraculeux "développement durable", nous ne trouverons pas une façon intelligente de tout préserver. Il n’existe pas de comportement optimal pouvant biaiser avec les réalités quantitatives et qui permettrait de concilier les inconciliables. La nature se moque des idéologies et les règles du vivant supposent des espaces préservés. Si nous voulons sauver la nature, il nous faudra à la fois revenir à des effectifs plus modestes et accepter un mode de vie plus sobre. Bref, il nous faudra briser les tabous et pour une bonne part, aller à rebours de tout ce que nous avons fait. Vaste programme !

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(1) Le dilemme de Noé : Quelles espèces menacées faut-il sauver ?  Article de Vincent Nouyrigat : Science & Vie, numéro 1141, octobre 2012, p. 102 à 108.

Parmi les autres sujets en rapport avec l’écologie traités dans ce numéro voir en particulier :

- La fonte record des glaces de l’Arctique cet été, p. 34-35.

- Les prévisions du temps à 10 ans. Article de Boris Bellanger, p. 86 à 95.

- La réhabilitation des nitrates qui ne se révèleraient  pas aussi néfastes pour la santé que l’on ne l’imaginait.  Article d’Odile Capronnier, p. 96 à 101.    

 (2) Il existe d’ailleurs une Alliance pour l’extinction zéro qui refuse cette approche sélective. Voir son site en anglais.

Le choix de Sophie est un livre de William Styron racontant, entre autres, la culpabilité ressentie par une femme ayant été conduite à faire le choix entre la vie de deux de ses enfants. Sous le même titre l’histoire a été  portée à l’écran en 1982 par Alan Paluka. L’expression « choix de Sophie » est, depuis, restée synonyme des choix impossibles.

 

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