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10 novembre 2023 5 10 /11 /novembre /2023 15:04

Déjà auteur de plusieurs ouvrages sur la démographie (1), Michel Sourrouille coordonne là un nouveau livre à plusieurs voix. Pas moins de 23 personnes (2) donnent ici leur avis sur cette question qui devrait être au centre des réflexions sur notre avenir et sur la protection de notre planète. Beaucoup d’entre eux avaient déjà participé au livre «Moins Nombreux Plus Heureux» et beaucoup aussi militent collectivement au sein de l’association Démographie Responsable.

La variété des approches (sociologique, démographique, scientifique…) permet à ce livre de nous offrir un vaste panorama sur le sujet. Certaines contributions sont très détaillées (celles de Jean-Loup Bertaux ou de Denis Garnier) d’autres expriment une inquiétude viscérale face à l’évolution de nos effectifs, parfois en une ligne (Odette Chauve), d’autres essayent de comprendre les raisons du déni (Didier Barthès). La présence d’Antoine Waechter montre que le monde politique n’est pas étranger à cette interrogation de même que celle de l’économiste Stéphane Madaule. Même chose pour Martin Rott engagé sur les questions religieuses, qui prouve que, là aussi, les interrogations sont présentes. Enfin un juriste, Gilles Lacan, prend du recul et nous invite à changer de paradigme.

Ci-dessous la présentation que vous trouverez au dos de l’ouvrage

"L’idée de ce livre collectif provient d’une désillusion partagée. On pouvait croie que le passage à 8 milliards d’humains le 15 novembre 2022 selon l’ONU allait provoquer un choc médiatique On aurait pu sensibiliser les populations au fait que un milliard de terrien de plus ces onze dernières années, c’était beaucoup trop et beaucoup trop vite. A notre grand étonnement, cela n’a pas eu lieu. Tout au contraire, les intervenants privilégiés par la presse et les chaînes de télévision ont pour l’essentiel banalisé voir ignoré l’évolution démographique et ses impacts.

Il nous fallait donc à plusieurs voix démêler le vrai du faux dans ce qui se dit. Chaque contributeur ne s’exprime qu’en son nom personnel et sous sa responsabilité. Mais pour les 23 participants de cet ouvrage, la maîtrise de la fécondité humaine possède cette particularité de découler d’abord du libre choix des personnes. La contrepartie de cette liberté fondamentale devrait entraîner pour les individus et les couples un sens aigu de la responsabilité personnelle, car chaque naissance supplémentaire implique la collectivité tout entière et l’état de la planète.

Il ne s’agit pas d’envisager une contrainte étatique, seulement une éducation propice à une décision éclairée des hommes et des femmes."

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(1) Moins nombreux plus heureux, l’urgence écologique de repenser la démographie : ouvrage collectif, (Sang de la Terre, 2014), Arrêtons de faire des gosses (Kiwi, 2020), Alerte surpopulation (Édilivre, 2022)

(2) Philippe Annaba, Didier Barthès, Jean-Loup Bertaux, Antoine Bueno, Odette Chauve, Jean-Michel Favrot, Denis Garnier, Marc Gillet, Théophile de Giraud, Gilles Lacan, Stéphane Madaule, Jacques Maret, Corinne Maier, Fabien Niezgoda, Marie-Ève Perru, Alice Rallier, Martin Rott, Pablo Servigne, Michel Sourrouille, Lucia Tamburino, Michel Tarrier, Antoine Waechter, Philippe Waldteufel.

Surpopulation... Mythe ou réalité ? Ouvrage collectif coordonné par Michel Sourrouille. Éditions Édilivre, novembre 2023, 263 pages, ISBN 978-2-414-62014-2, 19 €.

 

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6 novembre 2023 1 06 /11 /novembre /2023 17:04

Le 25 novembre prochain se tiendra à Paris la première Journée Européenne de l’Écologie et de la Démographie.

Cette journée, organisée conjointement par les associations Démographie Responsable et EurASP, proposera un ensemble de conférences autour des questions reliant l'environnement et la démographie.

Parmi les intervenants : 

Marc Gillet : climatologue

Antoine Buéno : essayiste, auteur du "Permis de procréer"

Michel Garenne démographe, spécialiste de l'Afrique 

Antoine Waechter : ancien député européen et représentant des écologistes à l'élection présidentielle de 1988 

Il sera également proposé une interview de Mathis Wackernagel, créateur du concept d'empreinte écologique et fondateur du Global Footprint Network.

L'après midi se terminera par une présentation des réflexions de l'EurASP sur les liens entre migrations et démographie (avec débat avec le public) ainsi que par une présentation des ouvrages des auteurs présents, là aussi avec débat.

L'entrée est libre et gratuite, chacun est invité à venir participer aux débats qui suivront chacune des interventions et projection une rare occasion d'aborder ces questions trop souvent occultées

Journée Européenne de l'Ecologie et de la Démographie

Samedi 25 novembre 2023, de 14 h à 19 h

Fiap Jean Monnet,  30, rue Cabanis , Paris 14e (Métro Glacière)

(*) L'EurAsp est une fédération d’associations européennes militant pour la prise en compte de la question démographique au sein de tous les débats liés à la protection de l’environnement.

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18 octobre 2023 3 18 /10 /octobre /2023 10:04

Le gouvernement vient de décider la poursuite des travaux pour la réalisation de l’A69 visant à relier Castres à Toulouse. Et cela malgré l’opposition de la population et même l’appel de nombreux scientifiques.

Cette décision constitue une triple contradiction.

Contradiction du point de vue des objectifs de sobriété et de lutte contre le réchauffement climatique. Alors que l’on demande en tous domaines des efforts aux français dans le cadre de la transition écologique, on construit une autoroute qui, comme tous les projets routiers, contribuera à augmenter le trafic automobile, générant consommation d’énergie et émission de gaz à effet de serre. Elle favorisera le développement du transport de fret routier - grand utilisateur de ce type de voies - au détriment du transport ferroviaire. Elle ne fera que nous entraîner plus avant dans la direction exactement opposée à ce qu’exigent aujourd’hui nos sociétés.

Contradiction dans la lutte contre l’écroulement de la biodiversité et la défense des paysages. Alors que ces thèmes commencent à s’imposer et que la Loi ZAN vise à limiter l’artificialisation des territoires, nous allons bétonner des kilomètres carrés de nature (l’autoroute en cause fait plus de 50 km de long) et fragmenter encore un peu plus tous les biotopes, quand leur interconnexion est au contraire essentielle.

Contradiction enfin dans une perspective de long terme qui devrait désormais guider toutes nos politiques. Les grandes infrastructures : les autoroutes, les grands aéroports, les lignes de TGV… ont une durée de vie très longue, sans doute de l’ordre du siècle et plus encore. Or, dans les 50 ou 60 années qui viennent, les énergies fossiles - le pétrole en premier lieu - seront largement épuisées et le trafic routier très réduit par force (l’électrification des véhicules ne constitue pas une alternative sérieuse notamment pour le fret). Quelle sera alors l’utilité d’un réseau autoroutier tentaculaire et destructeur ?

Signalons aussi un projet routier autour de Paris (Boulevard Intercommunal du Parisis) qui suscite une forte opposition dans les communes du Val d'Oise, une pétition est encours.

 
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28 septembre 2023 4 28 /09 /septembre /2023 14:24

Dans une récente tribune adressée au Monde, de nombreux scientifiques français, dont certains très connus comme le physicien Alain Aspect ou l’excellent vulgarisateur Etienne Klein appellent au lancement d'un « Manhattan de la transition écologique ».

Si un tel appel peut paraître bienvenu au regard des menaces qui  pèsent sur les équilibres écologiques, cette initiative soulève quelques objections.

La première – légère -  est que cette référence grandiloquente au projet Manhattan, surfant sur le succès du film consacré à  Robert Oppenheimer relève largement du marketing. Or, un projet scientifique ponctuel, même très important, et un changement des comportements de société appartiennent à des catégories différentes et se heurtent à des difficultés de natures tout aussi différentes.

La seconde est que cet appel s’apparente furieusement à celui de toutes les professions expliquant qu’elles sont essentielles à l’avenir du pays sinon de l’humanité et qu’en conséquence, elles doivent bénéficier d’une priorité absolue dans les arbitrages budgétaires.  Médecins, enseignants, militaires, postiers… ne disent pas autre chose. En ce sens, c’est une tribune syndicale : donnez-nous de l’argent !

Mais au-delà de ces petits travers, il y a plus profond.  Ces savants - dont la compétence scientifique n’est pas en cause - font cet éternel pari que la science sera la garante de la protection de notre Terre. C’est là que le bât blesse. 

De tout temps la science et le progrès technologique, qui en est le fruit, ont donné à l’Homme plus de pouvoir. Sans technologie nous n’aurions nulle machine, nul démultiplicateur de nos forces et n’aurions pu conquérir et exploiter l’ensemble de la Terre. Or, ce pouvoir a conduit à l’extension de l’emprise de l’Homme sur la planète, à l’exploitation de toutes les ressources naturelles, mais surtout à la conquête de tous les territoires, excluant ainsi le reste du vivant. En un mot, il a conduit au déséquilibre.

Ces chercheurs nous demandent d’aller plus loin encore pour faire toujours plus de technologie. Ce qu’ils ne semblent pas comprendre ou pas admettre, c’est qu’en faisant cette demande, ils sous entendent implicitement qu’ils vont changer le sens de la corrélation entre technologie et destruction de l’environnement : elle était positive - technologie et destruction allaient de pair -, ils l’imaginent, par leur talent et leur volonté, devenir négative, les deux éléments évoluant désormais en sens inverse et la science aidant la nature.

Hélas,  la corrélation est tellement forte – toute l’Histoire et la logique plaident en ce sens (sans les machines, encore une fois, nous ne ferions guère de mal) - que c’est un pari certainement perdu et en tout cas un pari dans lequel il serait bien imprudent de les laisser s’engager au nom de toute l’humanité.

D'ailleurs n'aurait-elle aucun inconvénient immédiat qu'une science toute puissante nous conduirait inévitablement à artificialiser la planète entière, ce serait la fin de la nature.

Ne nous considérons pas comme les gestionnaires élus de la Terre, engageons-nous dans une voie plus modeste en réduisant notre poids sur la planète, produisons moins, soyons moins, laissons à la nature de l’espace et du temps, elle n’a besoin que de cela.

La science est belle pour la compréhension du monde, au regard de l'Histoire, elle est inutile à sa gestion.

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Ci-dessous, le texte de la tribune

Le récent film biographique Oppenheimer, de Christopher Nolan, nous rappelait que, face à une urgence mondiale, l’homme est capable d’une action collective incroyablement rapide et efficace – aussi funeste soit son objet. Cinq ans après son déclenchement, le projet Manhattan [qui a permis la fabrication de la première bombe atomique] a été une réussite technique sans précédent. Il a embrassé la science la plus avancée de l’époque et a réalisé son industrialisation à grande échelle, impliquant plus de 130 000 hommes et femmes, des laboratoires de recherche jusqu’aux usines de raffinage.

Or, si l’homme est capable de telles prouesses pour la destruction, il peut l’être aussi pour le bien commun en temps de paix. Alors que les catastrophes climatiques s’enchaînent – incendies, inondations, canicules, sécheresses… –, il est maintenant indéniable que le réchauffement climatique est une menace existentielle. Limiter ce réchauffement et nous y adapter est un devoir impératif et supérieur : voilà le plus grand défi de l’histoire humaine. Dans l’agriculture, l’industrie, le transport, les énergies fossiles constituent la base même de la société moderne et industrielle. S’en passer implique une nouvelle organisation collective, et en particulier une transformation profonde de nos outils techniques et industriels. Décarboner les procédés énergétiques, physiques, chimiques et agricoles qui sous-tendent le monde industrialisé afin d’éviter des millions de morts : telle est notre responsabilité historique.

Condamner nos enfants

Pourtant, l’Agence internationale de l’énergie (IEA) nous alerte : 40 % des technologies nécessaires à la transition environnementale ne sont pas à un niveau de maturité suffisant. L’agence donne l’exemple de l’électrolyse de l’eau de mer pour la production d’hydrogène, des batteries au sodium, de la captation ou conversion du CO2 ou encore du stockage de la chaleur. Malheureusement, bien loin de contribuer à la transition, nombre de ces « technologies stratégiques » sont encore au stade d’expériences de laboratoire menées par quelques scientifiques aux moyens modestes.

Malgré l’urgence, la transition n’a de facto pas vraiment commencé : les émissions continuent d’augmenter. Nous sommes en train d’échouer et de condamner nos enfants. Pour relever ce défi dans l’urgence, il est impératif de coupler des avancées scientifiques rapides à des transformations industrielles massives. Nous, scientifiques de tous horizons, appelons à la mise en œuvre d’un projet Manhattan de la transition écologique. La France, et plus largement l’Europe, peut le réaliser.

Nous appelons à bâtir un centre de recherche et d’innovation, chargé de développer les outils scientifiques et technologiques pour la transition, en lien direct avec l’industrie. A l’instar du CERN, l’organisation européenne pour la recherche nucléaire, il collaborera avec l’ensemble du tissu académique et industriel international, y compris des pays émergents et moins avancés, et agira comme un hub scientifique et technologique ouvert. Ce hub rassemblera les meilleurs scientifiques et ingénieurs avec les moyens d’aller vite. L’ensemble de la recherche sera notamment dirigé vers le développement des procédés décarbonés et leur déploiement rapide à grande échelle en les faisant passer des laboratoires aux industries capables d’implémenter la transition. Pour atteindre les objectifs de neutralité carbone en 2050 prévus par la COP21, nous prévoyons une durée de vie du projet de vingt-cinq ans.

Ambition immense

Ce projet à l’interface entre recherche et industrie a l’ambition de faire de la France et de l’Europe des leaders des technologies de la transition écologique. Le financement doit être à la hauteur de l’ambition et de la menace. Alors que le projet Manhattan historique coûta plus de 1 % du PIB américain, celui de la transition requiert un niveau d’investissement comparable et sur la durée de vie du centre. En effet, si les délais sont courts, l’ambition est immense : créer les briques scientifiques et techniques des nouvelles structures industrielles décarbonées.

Face à l’urgence climatique, nous appelons à démarrer ce projet sans attendre, en abondant un premier budget d’amorçage de 1 milliard d’euros. Cet investissement en recherche et technologie est à mettre en regard des 70 milliards ou 66 milliards estimés (dont 30 milliards à 35 milliards d’investissements publics) nécessaires à la transition française chaque année, selon les économistes Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz… C’est un coût infime face aux dégâts gigantesques que génèrent déjà les aléas climatiques, et qui nous conduisent vers un monde non assurable. De plus, cet investissement, vital pour les générations futures, construit un avantage décisif pour les souverainetés industrielles française et européenne.

Avec ce projet Manhattan écologique, c’est la base scientifique d’un modèle industriel à la fois sobre en ressources, résilient et décarboné que nous appelons à construire. Réunissons nos forces vives techniques afin de contribuer à surmonter l’immense défi de la transition. Nous voulons croire que rassembler les nations, notamment européennes, pour la préservation de la planète est encore possible. Les moyens humains et techniques de mener la transition existent, ce projet Manhattan écologique propose d’en construire les fondations scientifiques et technologiques. Chiche !

 

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2 mai 2023 2 02 /05 /mai /2023 12:04

 

Par Fabien Niezgoda

L’Europe ne pèse aujourd’hui que moins du dixième d’une population mondiale toujours plus nombreuse, qui exerce sur notre continent une pression menaçant la survie de notre civilisation. Face à la conquête par les ventres, peut-on, doit-on résister en nous lançant dans la compétition du nombre ? Comment défendre le « Camp des Saints » assiégé, sans sacrifier une façon proprement européenne d’être au monde ?

 

Vers 1900, l’Europe, avec environ 420 millions d’habitants, représentait environ un quart de l’humanité, après avoir longtemps pesé un peu moins de 20 %. Aujourd’hui, le continent est peuplé d’environ 750 millions d’individus. Mais, dans un monde passé de 1,6 milliard à plus de 8, les Européens sont moins de 10 % de la population mondiale.

Deux faits incontestables : l’Europe n’a jamais été si peuplée, d’une part ; et d’autre part, les Européens n’ont jamais été aussi minoritaires dans la population du globe. Si nous ajoutons à ce constat une dimension dynamique, en comparant la pyramide des âges et la fécondité des différentes parties du monde, les projections ne peuvent que montrer l’accentuation de ce déséquilibre en notre défaveur. La conséquence, nous la connaissons et nous la vivons, c’est ce qu’écrivait en 1985 Jean Raspail dans la préface qu’il ajouta à son roman prophétique de 1973 Le Camp des Saints : « notre vieil Occident, tragiquement minoritaire sur cette terre, reflue derrière ses murailles démantelées en perdant déjà des batailles sur son propre territoire et commence à percevoir, étonné, le vacarme sourd de la formidable marée qui menace de le submerger ».

Dans cette citadelle assiégée qui est la nôtre, on pourrait imaginer, comme un réflexe de survie salutaire, une sorte d’alignement mimétique : face aux masses du Sud qui semblent faire du ventre de leurs femmes un instrument de conquête, nous pourrions répondre par un sursaut de natalité, et aligner des générations de petits Européens comme un rempart face à la submersion.

Il y a toutefois, derrière cette logique parfaitement compréhensible, plusieurs illusions et plusieurs pièges.

Tout d’abord, cette course mimétique au nombre participe d’une réduction paradoxale de la singularité des peuples. Pour paraphraser Bernard Lugan, qui explique souvent qu’on ne comprend rien à la politique africaine si on croit que l’Afrique est peuplée d’Européens à la peau noire : pourquoi devrions-nous, en réponse à la démographie galopante venue du Sud, faire des Européennes l’équivalent d’Africaines à la peau blanche ?

Envisager une relance de la natalité nécessite par ailleurs de se poser préalablement quelques questions essentielles. D’une part, est-on bien certain qu’un sursaut nataliste changerait grand-chose aux ordres de grandeur évoqués en introduction ? Combien d’enfants supplémentaires par Européenne faudrait-il pour que nous pesions de nouveau 20 à 25 % de l’humanité à la fin de ce siècle ? Peut-on envisager un scénario de ce type avec des taux crédibles ? Il faut bien sûr également se demander, avant de réclamer une politique davantage nataliste, quels en seraient les principaux bénéficiaires ; s’ils sont les mêmes que pour les Caisses d’allocations familiales actuelles, on n’aura guère résolu le problème qui nous préoccupe… D’une façon générale par ailleurs, on voit mal comment l’encouragement de la logique du nombre pourrait ne pas avoir de conséquences dysgéniques, du genre de celles qu’ont illustrées, avec la force de la satire, La Longue Marche des Cornichons ou le film Idiocracy. Évidemment, dans un tout autre genre, que les participants à ce colloque aient des familles nombreuses, comme l’illustre la présence d’une garderie appréciée, on ne peut que s’en réjouir. Et que d’autres d’ailleurs n’aient pas d’enfants ou ne comptent pas en avoir ne les empêche nullement de participer à la renaissance européenne. Or, que changerait au juste à cela une politique nataliste ? La Maison de la Chimie ne serait pas plus remplie qu’elle n’est, mais les rames de métro que nous avons pu emprunter ce matin auraient peut-être été plus bondées encore...

Avant même de s’interroger ainsi sur la possibilité et l’efficacité d’un tel redressement démographique, on peut d’ailleurs aussi juger son bien-fondé sur une base historique. Après tout, quand l’Europe pesait, au cours des siècles antiques ou médiévaux, un peu moins de 20 % de la population mondiale, elle fut capable, non sans mal certes, de résister aux divers assauts qui régulièrement menacèrent notre petite péninsule. Les Européens ont en effet toujours été minoritaires ; ce qui leur manque aujourd’hui, ce n’est pas tant le nombre que l’affirmation de leur identité et de leur légitimité à défendre leur territoire et leur être au monde.

Qu’il n’y ait pas de méprise : en remettant en cause le natalisme, il ne s’agit surtout pas de cesser de féliciter les heureux parents parmi nous, et il s’agit encore moins d’applaudir ce mouvement nihiliste dont les échos se font de plus en plus nombreux au sein de la jeunesse « woke », et qui passe par la condamnation de la parentalité (ou du moins de la parentalité biologique, à laquelle, dans ces milieux-là, on substitue volontiers l’adoption), par l’éloge de la stérilisation précoce, etc. Le malthusianisme bien compris (c’est-à-dire, d’abord, celui du pasteur Malthus lui-même), cela consiste à préserver les générations futures des malheurs (famines, guerres, épidémies) qui résulteraient de leur nombre trop important sur un territoire aux ressources limitées ; pas de leur éviter l’existence même !

Ni extinction volontaire et suicidaire, bien sûr, ni prolifération illimitée et cancéreuse. La sagesse apollinienne nous commande de trouver la juste mesure. L’une des plus fameuses maximes inscrites sur le temple de Delphes était Μηδὲν ἄγαν (mèden agan) : « rien de trop », « ne fais aucun excès ». De façon significative, Platon (dans la République) et Aristote (dans la Politique) étaient, une fois n’est pas coutume, d’accord sur ce sujet de la population. Si un minimum d’hommes est nécessaire dans une cité, pour assurer un efficace partage des tâches, une certaine spécialisation au bénéfice de tous, la défense d’un bien commun, une limite doit néanmoins être posée, nous disent-ils, tant par rapport aux ressources disponibles sur le territoire que pour conserver entre les membres de la communauté une certaine familiarité. « Une grande cité et une cité populeuse, résume Aristote, ce n’est pas la même chose. » (1)  La valeur des hommes n’est pas leur nombre, la quantité n’est pas la qualité. La grandeur d’un peuple ne se confond pas avec son poids.

« Il n’est de richesse que d’hommes » dira pourtant pour sa part, bien plus tard, Jean Bodin dans une formule célèbre, à propos des États modernes et de leur besoin de soldats et de contribuables. Mais, derrière l’affirmation de la puissance, n’entrait-on pas alors surtout dans le règne de la quantité ? Les hommes ainsi conçus, comme ils le sont par nos économistes obsédés par les chiffres de la croissance ou par l’équilibre de caisses de retraite conçues comme une pyramide de Ponzi, sont-ils encore autre chose qu’une masse indifférenciée d’individus interchangeables ? Derrière la logique du nombre, gronde le risque de rupture anthropologique : l’homme de l’ère des masses, c’est « l’homme remplaçable » décrit par Renaud Camus.

Avant de revenir avec lui à l’anthropologie, enjeu central qui nous occupe aujourd’hui, faisons un rapide détour par la biologie. Celle-ci nous apprend que les espèces peuvent adopter des stratégies reproductives variables, que l’on schématise habituellement dans le modèle r/K. La stratégie r, celle des grenouilles ou des organismes microscopiques par exemple, consiste en une reproduction rapide, précoce, produisant de très nombreux jeunes exposés à une mortalité élevée. La stratégie K correspond pour sa part à une durée de vie plus longue, à une reproduction plus rare et tardive adaptée aux capacités du milieu. L’homme, quelle que soit l’époque, quelle que soit la civilisation, quel que soit le modèle familial, adopte incontestablement une stratégie qui relève du « K ». Évidemment, la réalité est toujours moins schématique, mais il n’est pas inutile de toujours nous demander si nous voulons faire glisser le curseur vers le « r », privilégiant le nombre avant tout autre considération, ou si, fidèles à la stratégie « K », nous préparons l’avenir de chacun des enfants que nous laissons au monde, et auxquels nous transmettons celui-ci.

J’évoquais tout à l’heure le nom de Malthus, en rappelant précisément sa crainte de générations croissant à un rythme non soutenable. On pourra objecter, à la question de la limitation des ressources posée par Malthus et à sa suite par tous les néo-malthusiens ou éco-malthusiens, que leurs scénarios pessimistes sous-estiment les capacités de la technique à repousser les limites. Certes. C’est bien, par exemple, grâce au procédé Haber-Bosch de synthèse de l’ammoniac, que les engrais azotés ont permis à l’humanité au XXe siècle de percer allègrement le plafond des deux milliards. Il est possible de voir, dans cette soumission de la nature au profit de l’homme, une logique prométhéenne qui nous a permis en effet de sortir d’une certaine fatalité. Mais Heidegger nous a montré que le déploiement de la technique, c’est aussi pour l’homme davantage de dépendance, davantage d’aliénation, davantage d’arraisonnement de l’homme lui-même, davantage de soumission à la pensée calculante. On peut, nous disent certains agronomes populationnistes, nourrir dix, douze, quinze milliards d’humains sur cette planète. Les pois chiches transgéniques le permettront peut-être en effet. Mais cela vaut-il la peine de déployer tant de moyens, tant d’ingéniosité, pour atteindre un objectif dont la pertinence même mérite peut-être débat : optimiser le remplissage humain de la terre est-il un objectif en soi ?

Renaud Camus rappelle « cette vieille croyance indienne [...], selon laquelle il y a dans le monde une quantité d’âme constante, et moins d’elle pour chacun, donc, à mesure que l’humanité se fait plus nombreuse (2). Au-delà des considérations matérielles du malthusianisme classique, on peut noter en effet que la trop forte densité humaine nuit à la vie spirituelle, de même qu’elle n’a cessé, depuis des décennies, de limiter la liberté d’aller et venir : depuis les autoroutes où se croisent juillettistes et aoûtiens jusqu’aux rocades qu’empruntent les travailleurs métropolitains dans leurs mouvements pendulaires, des galeries des Musées du Vatican jusqu’à certains sentiers de montagne, des chambres d’hôtel aux places d’opéra, l’homme contemporain de huit milliards d’autres doit sans cesse jouer des coudes. On croit voyager ? Multiplié par des millions, le voyageur est un flux ; et qui dit flux, dit aujourd’hui gestion des flux. On espère se perdre dans la campagne, trouver un village ou un paysage intact ? Grande chance si l’aménagement du territoire n’est pas passé par là, avec ses zones commerciales, ses parkings, sa banlieue universelle, ses champs d’éoliennes. Mais depuis les années soixante et la création de la DATAR, l’Hexagone s’est rempli de vingt millions  d’hexagonaux supplémentaires. La France est-elle désormais plus belle qu’alors ? Plus vivable ? Est-elle plus grande ? Rappelons-nous Aristote : une grande cité et une cité populeuse, ce n’est pas la même chose...

Vivre en Européen, c’est aspirer à autre chose qu’à cette fourmilière humaine que dessine l’ère des masses. La leçon d’Orphée commande que puissent demeurer des espaces naturels vierges de notre présence ; des forêts laissées aux nymphes et aux loups ; des espaces sauvages où, comme le naturaliste et graveur Robert Hainard, l’homme ne pénètre qu’en contemplateur discret et léger, et non en défricheur cherchant où il pourra utiliser son tracteur ou son excavatrice. L’homme habite la terre en poète, écrivait Hölderlin. Or il n’est pas certain du tout que cette façon-là d’être au monde soit tenable dans un monde toujours plus peuplé, dans une Europe toujours plus peuplée, fût-ce uniquement d’Européens.

 Pour l’Européen, le nombre est donc une menace et un piège. La menace, c’est bien sûr celle de la submersion. Le piège serait que, croyant répondre à la menace, on sacrifie notre être-au-monde au règne de la quantité.

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(1)  Aristote, Politique,  VII, 4, 4-6

(2) Renaud Camus, La dépossession ou du remplacement global, La Nouvelle Librairie, 2022, pp 313-314

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L'auteur : Historien médiéviste de formation, Fabien Niezgoda est professeur agrégé d’histoire-géographie. Auditeur de la promotion Patrick Pearse, il est devenu formateur régulier au sein de l’institut Iliade, en particulier sur notre rapport à l’écologie et à la technique. Collaborateur de la revue Éléments, il y a notamment dirigé en 2020 un dossier remarqué consacré à la surpopulation.

Cet article a été initialement publié sur le site de l'institut Iliade, il reprend les éléments d'une intervention de Fabien Niezgoda lors du colloque intitulé "Face au déclin anthropologique, vivre en Européen" qui s'est tenu sous l'égide d'Iliade, le 15 avril 2023, à la Maison de la chimie, à Paris.

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22 mars 2023 3 22 /03 /mars /2023 15:04

Le lien entre la pression démographique et la dégradation de l'environnement relève d'une logique assez simple, mais beaucoup renâclent encore à l'admettre et même à seulement l'évoquer.

Deux graphiques le mettent en évidence.

Tout d'abord, cette carte de la pollution de l'air récemment publiée par le magazine Reporterre à partir d'une étude de l'entreprise IQ Air

On remarquera la corrélation quasi parfaite entre les lieux de pollution atmosphérique et la densité de peuplement humain

 

En second lieu, ci-dessous, ce graphique montrant depuis 1950 l'évolution de la population et celle de la quantité d'eau douce disponible par personne. La quantité globale (40 000 kilomètres cubes / an) restant  à peu près stable, la quantité disponible par personne évolue naturellement à l'inverse de nos effectifs (40 000 000 000 000 m/ 8 000 000 000 = 5 000 m3). 

Parfaite illustration du caractère inéluctable de la décroissance... ou de notre appauvrissement.

 

 

Ce lien entre protection de l'environnement et démographie a notamment été évoqué à l'occasion du récent salon Primevère sur les ondes de Radio Grésivaudan.

 

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15 mars 2023 3 15 /03 /mars /2023 13:54

En 2016, sous le titre "La bombe P n'est pas désamorcée", la revue  Éléments  publiait cet entretien entre Fabien Niezgoda, professeur agrégé d'histoire et Didier Barthès porte-parole de Démographie Responsable. Il est toujours d'actualité, les raisons qui motivent l'association restent les mêmes et le monde a "gagné"  650 millions d'habitants depuis l'entretien et 1,2 milliard depuis la naissance du mouvement.

 

Fabien Niezgoda: Démographie responsable a été créée en 2008. Comment est née et s’est développée cette association ?

Didier Barthès : La motivation initiale fut tout simplement une sensibilité à la nature, la tristesse de voir partout les espaces sauvages grignotés par la civilisation, et la conscience que, pour une part, ce grignotage était lié à nos effectifs toujours croissants. Quelques personnes s’en sont ouvertes les unes aux autres et ont décidé de fonder l’association. Peu à peu, devenus plus nombreux, nous avons pu développer nos activités, affichages, tracts, participations à des forums, interviews, manifestations, conférences… Comme pour d’autres mouvements, internet a été déterminant pour fédérer des gens au départ plutôt isolés. Aujourd’hui encore, beaucoup de ceux qui nous rejoignent font la même remarque : « j’ai réalisé que d’autres pensaient comme moi, je pensais croyais être seul et n’osais pas en parler ». Un tabou pèse sur la question.

Q. : Pour beaucoup, l’idée d’un contrôle démographique évoque la politique de l’enfant unique mise en place en Chine en 1979 (et dont la fin vient d’être décidée). Cette politique autoritaire était-elle justifiée ? Peut-on la considérer comme un modèle ?

DB : Rétrospectivement, cela a sans doute été une bonne chose. Cette politique a été mise en place quand la Chine a vu sa démographie s’emballer malgré l’amorce d’une baisse de la fécondité. Sans elle, le pays aurait aujourd’hui de 4 à 500 millions d’habitants de plus. Cette charge aurait lourdement obéré le développement et intensifié l’occupation de tous les territoires au détriment de la nature. On ne peut toutefois nier le caractère liberticide de cette politique, accompagnée de surcroît de nombreux abus. Mais il faut en tirer la leçon: plus nous tardons à engager, de façon douce et incitative, une baisse de la fécondité, plus nous risquons d’être confrontés demain à des mesures plus dures et bien peu démocratiques.

Q. : Malgré les équations de Ehrlich-Holdren et de Kaya, qui intègrent la population comme facteur essentiel de notre impact global sur l’environnement, les partisans de la décroissance ont souvent tendance à négliger la démographie, préférant insister sur la question de la consommation.

DB : Il n’y a nulle raison d’opposer une action sur les modes de consommation et la lutte contre la surpopulation, les deux se conjuguent. À 99 %, les mouvements écologistes ne parlent que du premier volet : il était nécessaire que quelques personnes s’emparent du second. Les équations évoquées rappellent une évidence : l’effet de tout phénomène résulte du produit de son intensité par son ampleur. Il est curieux que même les milieux de la décroissance, pourtant au fait des questions quantitatives, renâclent à élargir et appliquer leur réflexion à la population. Craignent-ils de donner une mauvaise image d’eux-mêmes ? La seule prise en compte du mode de vie révèle une fois de plus le tabou de la démographie. On le retrouve dans le caractère négatif attaché à l’adjectif malthusien, ou quand, régulièrement, l’ensemble de la presse et du monde politique se réjouit sans aucun recul des « bons » chiffres de la fécondité française. Il est ancré dans nos mentalités que le plus est le mieux.

Q. : Aristote, après Platon, traite d’une façon exemplaire de la question de l’optimum démographique d’une cité. Comment a-t-on abandonné cet attachement des Grecs classiques à la juste mesure, et cessé de comprendre cette évidence rappelée dans la Politique : « une grande cité et une cité populeuse, ce n’est pas la même chose » ?

DB : Je crois que la technologie nous a trompés. En augmentant les rendements, en favorisant les transports, elle nous a donné l’illusion de l’omnipotence. Nous nous sommes crus libérés de toute limite. Sans doute la pensée grecque était-elle, ou paraissait-elle, peu adaptée au monde industriel. Or la technologie ne crée pas de nouvelles ressources. Elle nous a plutôt permis d’exploiter plus vite et plus complètement celles de la planète, de « consommer le capital ». Aujourd’hui avec la déplétion de ces ressources, les questions quantitatives redeviennent cruciales. Le sens des limites nous serait bien utile. On le retrouve dans la philosophie de la décroissance, et il était d’ailleurs présent dans les premiers slogans de l’écologie : small is beautiful… Olivier Rey en a développé brillamment certains aspects dans son récent livre Une question de taille. Yves Cochet travaille aussi dans ce sens avec l’Institut Momentum.

Q. : Lecteur de Gibbon (qui pourtant ne s’exagérait pas l’ampleur de la submersion qu’auraient représentée les masses barbares), Malthus voyait dans la prolifération des Germains un facteur-clé de la chute de l’Empire romain ; de leur côté, les Romains étaient de longue date devenus malthusiens. Les plus sages, en un sens, ont donc perdu. Ne touchons-nous pas là à la faille essentielle du malthusianisme ? De même qu’un désarmement unilatéral n’a jamais signifié la paix mais seulement la capitulation, le « malthusianisme dans un seul pays » n’expose-t-il pas celui-ci à une invasion à plus ou moins brève échéance en provenance de zones à plus forte pression démographique ?

DB : La population française représente 0,9 % de la population mondiale, une politique nataliste qui la ferait remonter à 1 ou 1,1 % (car telles sont les marges de manœuvre) ne changerait rien à l’affaire, ce n’est plus par cette course contre le reste du monde que nous pouvons nous préserver des migrations. L’Afrique aura 4 milliards d’habitants à la fin du siècle (20 fois plus qu’en 1950 !). Il s’agit d’affirmer notre culture, plus que de lutter vainement par les berceaux. Il faut aussi d’aider les pays en développement à maîtriser leur fécondité, pour permettre aux populations locales de ne pas être les premières victimes de leur explosion démographique.

Q. : L’action de Démographie responsable ne se conçoit donc pas sans contacts internationaux. Dans les pays du Sud, premiers concernés par la question de la surpopulation, les discours malthusiens en provenance du Nord ne sont-ils pas perçus comme condescendants, paternalistes, ou parfois même carrément racistes, comme le laissent parfois entendre certains anti-malthusiens occidentaux, tel Hervé Le Bras ?

DB : Il existe dans plusieurs pays d’Europe des groupes comparables, fédérés au sein de l’European Population Alliance (1). L’association anglaise Population Matters compte à elle seule plusieurs milliers de membres. Aux États-Unis, plusieurs mouvements similaires, souvent liés à des organisations environnementales et/ou en faveur du développement, connaissent un réel succès.Hélas, en effet, les messages prônant une certaine « modestie démographique » sont parfois perçus avec méfiance. Bien entendu, les natalistes ne se privent pas d’encourager ces réactions, en chargeant la barque. Un discours ferme et des actes cohérents permettent d’échapper à la caricature. Ainsi, nous avons pu organiser l’envoi et la distribution de préservatifs en Afrique, en collaboration avec des écologistes locaux. Cela montre bien qu’il existe là-bas aussi une vraie conscience du problème. Tous les Africains ne considèrent pas que les Européens qui les mettent en garde contre l’explosion démographique de leur continent seraient racistes, au contraire.

Q. : Le défi démographique est-il correctement abordé par l’ONU et ses agences ?

DB : Il existe dans les grandes institutions internationales une réelle conscience du problème. L’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a d’ailleurs lui-même souligné la gravité de l’enjeu. Au sein du Fonds des Nations unies pour la population, comme à l’Agence Française de Développement, le sujet est bien présent. Il faut bien constater pourtant que cette conscience n’a pas conduit à endiguer suffisamment la croissance démographique mondiale. L’Asie par ses effectifs gigantesques, l’Europe par sa densité moyenne très forte, l’Afrique dont le potentiel de croissance menace tant le développement que les équilibres écologiques en sont les témoins. Chacun attendait un développement harmonieux du monde, une transition démographique rapide, la généralisation, sur le mode occidental, d’une fécondité autour de deux enfants par femme, pour assurer le renouvellement des générations tout en évitant l’explosion. Force est de constater aujourd’hui que ce schéma optimiste ne se réalise pas ou en tout cas pas assez vite.

Source : Revue Éléments (numéro de janvier-février 2016 sous le titre, La bombe P n’est toujours pas désamorcée).

(1) Depuis cet entretien, l'European Population Alliance n'existe plus, il s'est par contre créé l'Eurasp, une fédération d'associations européennes dont les idées sont proches de celles défendues par Démographie Responsable, laquelle en fait d'ailleurs partie.

Source : Revue Éléments, numéro de janvier-février 2016, sous le titre : "La bombe P n'est pas désamorcée".

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23 février 2023 4 23 /02 /février /2023 19:04

Un article de Gilles Lacan, ancien magistrat

Sous les effets conjugués du dérèglement climatique et de la perte de la biodiversité, autonomes l'un par rapport à l'autre mais tous deux causés par l'activité humaine, le monde risque d'être confronté dans une génération, peut-être avant, à un effondrement économique général.

Celui-ci pourrait être la conséquence de pénuries énergétiques, affectant plusieurs pays ou continents, couplées à des épisodes de stress hydrique ou de famines, en concomitance avec des pandémies potentiellement plus sévères que celle du covid. Cela dans l'hypothèse optimiste d'une absence de conflit militaire majeur.

Pour faire cesser le réchauffement climatique, acté dès le sommet de Rio en 1992, et se prémunir contre ses conséquences dévastatrices (pour l’homme), les dirigeants de la planète font habituellement valoir qu’il faudrait recourir à des technologies décarbonées - nucléaire, énergies renouvelables, voitures électriques – et promouvoir l’économie circulaire. Ainsi pourrait-on concilier le maintien de la croissance et la défense de l’environnement.

Mais, dans la réalité, malgré la mise en œuvre de politiques s’inspirant de ces principes, la situation n’a fait que se détériorer depuis trente ans. En particulier, la température moyenne mondiale n’a pas cessé d’augmenter et paraît aujourd’hui échapper à tout contrôle. Quant à la chute de la biodiversité, elle a dépassé, et de loin, les pires niveaux jamais atteints depuis la naissance de l’humanité, au point de menacer à court terme nos ressources alimentaires.

Le temps est compté, nous n’avons plus trente ans à perdre. Pour retarder l’effondrement ou, au moins, en atténuer les effets, il faut dès maintenant organiser la résilience et, pour cela, faire des choix beaucoup plus radicaux. Compte tenu de la vulnérabilité de notre système économique globalisé et en l’absence d’une structure politique internationale capable d’imposer une stratégie d’ensemble, ces choix doivent être prioritairement orientés vers la démondialisation.

L’idée sous-jacente est qu’en temps de crise, l’interdépendance des économies est un facteur de fragilité et d’irresponsabilité, et que la résilience globale sera d’autant plus efficace qu’elle sera portée par chaque peuple, replié sur son propre territoire.

En ce qui concerne la France, il s’agira d’abord de restaurer notre souveraineté alimentaire, sur la base de petites et moyennes exploitations polyvalentes et d’une agriculture sans pétrole, sans engrais chimiques et sans pesticides. Celle-ci pourra-t-elle nourrir 70 millions d’habitants dans ces conditions ? Ce n’est pas certain, même si l’on mobilise des millions d’emplois dans ce secteur.

Il faudra aussi relocaliser les industries, revenir aux basses technologies et réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Cela ne sera pas possible sans un recours sévère au protectionnisme.

Il faudra encore raccourcir les circuits de distribution, réduire les déplacements de personnes, adapter la population aux capacités de portage de chaque territoire, décentraliser les principaux services publics et réduire le format de l’administration.

Et sans doute enfin faudra-t-il travailler plus pour gagner moins parce que, faute d’énergies fossiles, la productivité va s’effondrer et que, fabriqués en France, les produits manufacturés coûteront nécessairement plus cher.

Mais il n’y a pas d’alternative. Nous fonçons droit dans le mur : freiner est sans doute la pire des solutions… après toutes les autres.

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18 janvier 2023 3 18 /01 /janvier /2023 11:04

Devant les propos alarmistes lus dans nombre d'éditoriaux sur la baisse de la croissance démographique en France et la baisse de la population chinoise, l'association Démographie Responsable a publié ce 17 janvier le communiqué suivant :

L’INSEE vient de diffuser les dernières statistiques démographiques confirmant que si la France (Métropolitaine + Outre-Mer) avait pour la première fois atteint les 68 millions d’habitants, certains ,indicateurs montraient un sensible ralentissement de la croissance.

Le nombre de naissances (723 000 en 2022) est le plus faible depuis 1946, le solde naturel (+ 56 000) est très bas et désormais loin du solde migratoire (+ 161 000) qui est, comme le signale le Monde, le principal moteur de la progression de la population. La fécondité (1,8 enfant par femme) est en légère baisse et la mortalité en hausse, indépendamment même de l’effet naturel lié au vieillissement. 

Dans le même temps, la Chine reconnait pour la première fois depuis 1960 une baisse de sa population, certes modeste (- 850 000 personnes soit - 0,06%) mais significative au moment où sans doute l’Inde la remplacera comme pays le plus peuplé de la planète.  Son indice de fécondité serait désormais inférieur à 1,2 enfant par femme quand le remplacement des générations suppose qu’il dépasse légèrement 2. 

Bien que relevant pour une part de causes différentes, ces deux phénomènes ont engendré ces dernières heures de nombreux commentaires catastrophistes annonçant un déclin de l’humanité, un pessimisme général, une atteinte à la croissance économique.

Et si, au contraire, il s’agissait là de bonnes nouvelles pour la planète mais aussi pour chacun des pays concernés ?

Pourra-t-on assurer éternellement l’équilibre de nos sociétés si celui-ci s’appuie toujours sur une augmentation de nos effectifs ? A l’évidence ce serait là entrer dans une spirale sans fin.

Les ressources sont  toujours plus rares, la biodiversité s’écroule, les gaz à effet de serre s’accumulent dans l’atmosphère. Sur tous ces phénomènes, le nombre des hommes constitue un facteur déterminant. Nous pouvons certes réduire l’impact des populations les plus riches, mais une grande partie du monde aspire au contraire à un meilleur niveau de vie qui augmentera mécaniquement son impact.

La seule façon de concilier une amélioration du sort des plus pauvres et un maintien de conditions acceptables pour la biosphère est donc d’agir en faveur de la maîtrise de la fécondité, dans les pays en voie de développement du fait de leur dynamique démographique, comme dans les pays les plus favorisés du fait de l’impact de chacun de leurs habitants.

Bien entendu cela nécessitera dans un premier temps des adaptations difficiles, notamment sur les retraites et sur le coût de la santé. Mais compter sur une augmentation permanente de notre nombre ne fera que repousser le problème. Les jeunes d’aujourd’hui seront inévitablement les vieux de demain. Une perspective de long terme permet au contraire de montrer que, tant sur l’équilibre social et économique que sur celui de la nature, une baisse de la fécondité et donc plus tard de nos effectifs serait une perspective favorable. Nous n’avons jamais été autant sur la planète, nous sommes 5 fois plus nombreux qu’au début du XXe siècle ! Sans doute est-il temps de voir autrement notre avenir et de s’engager vers une diminution progressive de nos effectifs. « Voici venu le temps du monde fini » disait Albert Jacquard, à l’humanité de s’y adapter, et par sa démographie d’abord.

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7 janvier 2023 6 07 /01 /janvier /2023 17:04

 

Les Écologistes et le nucléaire

Pourquoi j'accepte aujourd'hui le nucléaire

par Antoine Waechter

12 avril 1971, Fessenheim

La première manifestation contre le projet de centrale nucléaire à Fessenheim réunit 1 500 personnes à l’appel du Comité pour la sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin (CSFR : Jean-Jacques Rettig, président), de la fédération haut-rhinoise des associations de protection de la nature (AFRPN 68 : Antoine Waechter, président, Solange Fernex, secrétaire) ainsi que de Bürger Initiative allemands. C’est la première manifestation contre le nucléaire civil en France. 5 000 personnes manifestent une nouvelle fois en 1972. Au-delà des slogans, trois motivations mobilisent les manifestants : la peur d’une pollution radioactive, le refus d’une destruction des milieux rhénans par une industrialisation nucléarisée (Fessenheim était la première annoncée d’un ensemble de quatre centrales envisagées sur le fleuve), et la dénonciation d’un État centralisé et autocratique. En 1972, nous diffusons aux manifestants, sous le sigle de l’AFRPN, un texte affirmant qu’il serait absurde de refuser la production électronucléaire si nous ne remettons pas en cause la croissance de la consommation d’électricité de 10 % par an prévue par EDF. Nous plaçons d’entrée de jeu la modération de la consommation d’énergie au cœur du combat.

La création de la synonymie : antinucléaire = écologistes

Dans les années qui suivent, l’antinucléaire prend de l’ampleur, jusqu’à la confrontation tragique de Malville, en 1977. La mobilisation, reprise par une certaine Gauche, s’assimile à une contestation de l’État. Dans le même temps, la simplification médiatique associe les termes d’écologistes et d’antinucléaires : les antinucléaires sont nécessairement des écologistes, et ces derniers sont nécessairement opposés au nucléaire. Cette confusion d’identité va peser lourd dans la suite.

La formation d’une pensée dogmatique

J’ai combattu le nucléaire pendant trente ans, d’abord au nom d’Écologie et Survie (1973-1984), puis des Verts (1984-1994) et enfin des Écologistes-MEI (1995-2004). Je me suis rendu compte que les motivations fortes des premières années ont progressivement laissé la place à une posture idéologique. Les arguments avancés autour de moi avaient des racines de plus en plus faibles. Le refus du nucléaire est devenu une revendication d’identité politique. L’analyse rationnelle a disparu. Le fait de s’affirmer contre le nucléaire s’auto-justifie par un demi-siècle d’opposition. La position antinucléaire est aujourd’hui le dogme d’une identité d’écologiste.

Avions-nous raison de nous opposer au nucléaire ?

Oui, sans hésitation : raison de nous opposer à Fessenheim : l’Histoire nous a donné raison, et nous avons sauvé les milliers d’hectares de forêts rhénane promises au défrichement et à l’industrialisation ; raison de contester une énergie dangereuse : sous notre pression, la France a mis en place le système garantissant la sécurité de la filière le plus performant du Monde. Nous avons rempli notre rôle.

Mais, les temps ont changé

La menace climatique s’est aujourd’hui imposée comme le premier danger pour l’Humanité, exigeant de réduire de manière substantielle notre recours aux énergies fossiles. En 2004, Jean Brière, un antinucléaire lyonnais de la première heure, nous interpelle : vous devez choisir entre une menace avérée, le réchauffement climatique, et un risque potentiel, le nucléaire. La France a aujourd’hui l’un des mix énergétiques les plus vertueux au monde au regard des émissions de carbone : voulez-vous le remettre en cause ? Nous avons alors adopté une position répondant à ceux qu’effraie le climat et à ceux qui refusent le nucléaire : nous fermerons un réacteur à chaque fois que nous aurons obtenu une baisse équivalente de la consommation d’électricité. Dix-huit ans plus tard, nous sommes obligés de constater que l’électrification de la mobilité individuelle et la communication numérique font grimper la consommation et qu’à ce rythme nous ne pourrons fermer aucun réacteur. Notre société se comporte aujourd’hui comme un drogué en manque : elle est prête à tout sacrifier pour avoir son contingent de kWh : prête à sacrifier la beauté de la France, en dispersant des milliers de zones industrielles dédiées au vent dans l’espace rural ; à sacrifier les écosystèmes, en plantant des éoliennes et des parcs photovoltaïques dans les forêts ; à massacrer des espèces vulnérables (chauves-souris, grands rapaces…) ; à colorer les toitures en blanc au détriment de la cohérence esthétique de nos villages ; en enlever aux citoyens tout pouvoir de contrôle sur l’évolution de leur cadre de vie. Avec la complicité active des antinucléaires dogmatiques !

Les critiques adressées au nucléaire ne justifient pas une opposition, mais des exigences

- L’approvisionnement en combustible

Oui, l’extraction de l’uranium à ciel ouvert en Afrique a un impact environnemental et social incontestable. Remarquons que l’extraction du néodyme, indispensable aux éoliennes, à un impact encore plus douloureux en Mongolie. Et l’extraction du lithium nécessaire aux batteries de nos voitures électriques, sera une plaie béante de plus, bientôt en France.

- La gestion des déchets

Les déchets chimiques stockés dans une mine (Stocamine) du bassin potassique du Haut-Rhin, dont l’extraction est demandée par des militants et de nombreux élus, nous rappellent que le nucléaire n’a pas le monopole du problème. J’ai affirmé, voici trente ans déjà, que la formule des Scandinaves me paraît être la meilleure : enfouir définitivement les déchets les plus radioactifs dans une fosse d’un kilomètre de profondeur creusée dans le granit, une roche naturellement radioactive. Bure reste un site expérimental, qui n’héberge actuellement aucun déchet.

- L’accident possible

Deux accidents majeurs en un demi-siècle, soit une fréquence inférieure aux accidents de la chimie et aucune comparaison avec le nombre de morts des unités industrielles non nucléaires. Le nucléaire, c’est le pari de Pascal inversé : une probabilité d’occurrence infime, mais des effets considérables lorsque l’événement se produit. A Tchernobyl, l’accident met en cause le système hiérarchisé autocratique du régime communiste et une conception technique défaillante qui n’est reprise par aucun des réacteurs actuellement en service dans le monde. De cet événement, nous retenons que le nucléaire civil ne peut raisonnablement être développé que dans des pays capables de garantir la sécurité des installations, affectés d’un faible taux de corruption, et soumis au contrôle démocratique des citoyens. En d’autres termes, le nucléaire ne peut pas remplacer le charbon dans une grande partie de la planète. A Fukushima, l’accident met en cause les planificateurs, qui ont sous-estimé la puissance possible des tsunamis. À la Faute sur Mer, qui doit-on accuser : l’incapacité des maisons à résister à l’océan, ou l’irresponsabilité d’une municipalité qui a ouvert le bord de mer à l’urbanisation ? Et comme l’exprime Jean-Marc Jancovici : à Fukushima, l’attention s’est focalisée sur la centrale, qui n’a tué personne, alors que le tsunami a fait des milliers de victimes. À Fessenheim, la centrale a été fermée par précaution et surtout pour éviter une dépense exorbitante sur une centrale vieillissante. La commission en charge de la sécurité nucléaire veille, avec une rigueur sans commune mesure avec la surveillance de nos sites industriels.

La faiblesse des énergies renouvelables

Le renouvelable n’est pas une valeur morale, il n’est même pas écologiquement vertueux. Toutes les productions d’énergies ont un impact, à l’exception de celle que l’on ne consomme pas, mais certaines sont plus favorables que d’autres. Les éoliennes industrielles terrestres cumulent le plus d’inconvénients (voir « Le scandale éolien »). Le développement du photovoltaïque au détriment de la forêt est un contre-sens, et le détournement des terres agricoles au profit de la production d’énergie est un « crime » contre le bon sens. Mais, la faiblesse de la majorité des renouvelables est qu’elles sont diffuses. La centrale du Bugey (4 réacteurs de 900 MW), par exemple, est déployée dans un espace clos de 85 hectares. Un parc éolien d’une puissance installée équivalente exigerait de couvrir un territoire de 7 200 hectares par 1 800 mâts de 2 MW ! Pour une production annuelle trois fois moindre (taux de charge : 22 % pour l’éolien, 80 % pour le nucléaire). Voilà pourquoi, la contribution de l’éolien à la production française oscille, selon les jours, entre 0 (pas de vent) et 18 % (en pointe), avec une moyenne de 6,9 %.

Pragmatisme

Les centrales sont installées. Elles nous valent le mix énergétique le plus décarboné du monde. L’introduction des éoliennes dans ce mix dégrade cette performance, en sus des dégâts multiformes qu’elles occasionnent. Toute personne consciente de la menace climatique acceptera, par pragmatisme, le parc électronucléaire installé. Mais, il faut avoir conscience que seule une remise en cause de nos excès consuméristes pour atteindre la sobriété énergétique, évitera l’impasse, comme nous l’écrivions il y a déjà un demi-siècle et comme le modélisait le MIT (1972).

9 décembre 2022

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