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10 février 2020 1 10 /02 /février /2020 18:24

Un article de Gilles Lacan

 

Une récente étude publiée par Nature vient de faire deux constats plutôt inquiétants. Le premier est qu’en matière climatique, les points de bascule, facteurs d’accélération mécanique du processus de réchauffement, risquent de survenir dans les années qui viennent. Le second est que la situation n’est désormais plus sous contrôle, en raison notamment de l’inertie des gaz à effet de serre déjà accumulés dans l’atmosphère.

Dans ce contexte, la tâche des gouvernements devrait être, d’une part, de réduire fortement les émissions de ces gaz pour diminuer les risques d’une dégradation brutale du climat, à tout le moins pour en différer l’échéance, d’autre part et surtout, de préparer leurs pays aux conséquences d’une telle dégradation, en anticipant les conditions extrêmes causées par le réchauffement et en organisant par avance la résilience.

En France, comme ailleurs, il n’en a rien été. Au cours des trois derniers quinquennats, ce sont à peu près les mêmes politiques qui ont été suivies, tournées vers la mondialisation, la croissance et l’emploi. S’il est vrai que l’écologie est de plus en plus présente dans les discours officiels et les programmes politiques, au fur et à mesure que la conscience du danger progresse dans l’opinion, elle n’a jamais consisté qu’en l’habillage d’un même projet économique dans les différentes déclinaisons de la croissance verte.

Mais la croissance verte est aussi illusoire que le mythe qui la fonde : le découplage entre production des richesses et consommation d’énergie, c’est-à-dire la possibilité de produire plus de richesses avec moins d’énergie. Car un tel découplage n’a jamais existé dans la réalité. Les études effectuées au niveau mondial portant sur les cinquante dernières années montrent au contraire que ces deux grandeurs évoluent toujours dans le même sens, que leurs courbes dans le temps se superposent. Les seules baisses de consommation énergétique relevées localement, notamment en Europe, sont causées par la désindustrialisation des pays concernés, tandis qu’une augmentation équivalente est constatée dans les pays manufacturiers, dont les produits sont ensuite importés par les premiers.

Cette situation appelle deux réorientations radicales : la première concerne la place centrale de l’écologie dans la conduite des affaires publiques, la seconde, plus difficile, consiste en une réévaluation des objectifs que s’assigne la société, avec l’abandon de la notion de progrès.

L’écologie ne peut plus être un simple accompagnement de l’action gouvernementale, elle doit en constituer le principe opérant, ce par rapport à quoi tout prend sens et s’organise. Nous allons entrer dans une économie de guerre comme l’ont été celle de la France entre 1914 et 1918, ou celle des Etats-Unis entre 1941 et 1945, mais pour une période beaucoup plus longue. Nos décisions en matière de production, de consommation, de mix énergétique, de commerce extérieur, de démographie et d’immigration, de protection des frontières et de sécurité intérieure doivent être dictées par l’objectif prioritaire de notre survie collective, si du moins nous ne nous résignons pas à subir l’effondrement.

Pour mener cette politique, il faut un Etat. L’Europe n’en est pas un. Or, notre société va devoir affronter des pénuries d’énergie, de denrées alimentaires, voire d’eau potable, qui risquent de générer un exode urbain chaotique. S’il n’y a pas d’Etat, c’est-à-dire de force publique disposant du monopole de la violence légitime, sous contrôle démocratique, capable d’assurer le respect du droit, cela sera, selon la formule de Hobbes, un « état de guerre de chacun contre chacun ». Et au-delà de ses fonctions régaliennes, l’Etat devra encore assurer le ravitaillement et le logement de la population, avec des pouvoirs de rationnement et de réquisition, veiller à la santé publique, maintenir la recherche.

Certes, les problèmes de protection de la planète sont globaux. Mais s’en remettre pour les résoudre à une gouvernance mondiale, qui n’existe pas, relève de ce que les anglo-saxons appellent le wishful thinking. D’autant que le réchauffement climatique échappant un peu plus chaque année à tout contrôle, l’enjeu majeur devient l’adaptation à ses effets. Et sur ce terrain, chaque peuple ne peut compter que sur lui-même pour assurer sa survie. Nous allons nous engager dans un processus de « compartimentage », tant économique avec la contraction du commerce international et l’abandon de la théorie ricardienne de l’avantage comparatif, que politique avec le retour de l’Etat et des frontières.

Enfin, il faut changer de paradigme : ralentir, réduire notre consommation, notre population, nos déplacements, nos connexions, relocaliser notre économie, protéger notre territoire, revenir aux basses technologies pour la production de nos biens. La différence posée ici avec certains collapsologues est qu’il faut le faire dès maintenant pour survivre, sans attendre d’un effondrement, secrètement espéré, les vertus purificatrices qui ouvriraient une nouvelle ère au genre humain. Nul besoin de réitérer le mythe du déluge ou du grand soir, l’homme ne sera pas meilleur après la catastrophe. Heureusement.

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1 janvier 2020 3 01 /01 /janvier /2020 07:44

Estimation de la population mondiale au 1er janvier 2020 

selon différents compteurs, données en millions d'habitants et en début d'année

 

Sources                                          2019              2020               Progression

                                                                                                                    en nombre           en %

 

Countrymeters                                7 669             7 763          +   94   soit  + 1,2 %

INED                                               7 674             7 754          +   80   soit  + 1,0 %

Overpopulation awareness                 -                 7 679                -                 -

Poodwaddle                                    7 641             7 724          +   83   soit  + 1,1 %

PopulationCity.world                         7 640             7 723          +   83   soit  + 1,1 %  

Population.io                                       -                 7 719                -                 -

Population mondiale.com               7 608             7 693           +  85   soit  + 1,1 %

Terriens.com                                   7 620             7 694           +  74  soit   + 0,9 %

US Census Bureau                         7 543             7 621           +  78  soit   + 1,0 %

Worldometers                                  7 674             7 754          +  80   soit  + 1,1 %

World Population Balance               7 534             7 607          +  73   soit  + 0,9 %

 

________________________________________________________________________________

Total :       (*)                                   7 623            7 703        +  80    soit  + 1,1 % 

________________________________________________________________________________

 

La Terre héberge environ 7,7 milliards d'habitants en ce 1er janvier 2020. Cette estimation à partir de quelques compteurs de population confirme évidemment les chiffres fournis par l'INED en septembre (1) qui indiquaient pour la mi-année 2019 une population mondiale de 7,714 milliards.

L’événement démographique est que, pour la première fois depuis longtemps, nous connaissons une inflexion des projections. Ainsi, alors que depuis le début des années 2000 les prévisions, aussi bien pour 2050 que pour 2100 étaient régulièrement rehaussées, voici, qu'enfin, on observe une légère baisse. 

Le taux de croissance annuel (+,1,1 %) reste toutefois élevé au regard de l'Histoire et conduit à une augmentation de 80 millions de personnes chaque année (soit près de 220 000 personnes chaque jour). 

              Evolution des projections mondiales pour 2050

                       INED 2009 : 9,4 milliards,  ONU : 9,1 milliards

                       INED 2011 : 9,6 milliards,  ONU : 9,3 milliards 

                       INED 2013 : 9,7 milliards,  ONU : 9,6 milliards

                       INED 2015 : 9,8 milliards,  ONU : 9,7 milliards

                       INED 2017 : 9,8 milliards,  ONU : 9,8 milliards

                               INED 2019 : 9,7 milliards,  ONU : 9,7 milliards

 

Evolution des projections mondiale  pour 2100 (ONU)

                 en 2011 :  10,1 milliards,    en 2013 :  10,9 milliards

                 en 2015 :  11,2 milliards,    en 2017 :  11,2 milliards

                 en 2019 :  10,9 milliards

 

Signalons également quelques points encourageants :

- La signature, en novembre dernier, par 11 000 scientifiques d'un appel sur la crise climatique faisant clairement référence au facteur démographique. Rappelons qu' un précédent appel regroupant 15 000 chercheurs avait également été lancé il y a deux ans, qui faisait, lui aussi, référence à nos effectifs (nombre des signataires sont évidemment communs aux deux appels).

- Lors de la COP 25 à Madrid, plusieurs chercheurs se sont exprimés sur question démographique. D'abord M. Joᾶo Abegᾶo.  auteur d'un Atlas de la Surpopulation Humaine, mais également d'autres spécialistes comme M. Alon Tal ou Mme Karen Shraag. Enfin, le sujet démographique est abordé  lors d'une COP !  Signalons également l'appel renouvelé de l'ancien Président de la République  Nicolas Sarkozy à créer un organisme international en charge de ces questions.

- La conscience du problème démographique semble progresser puisque dans un récent sondage publié par le Huffington Post, sur l'effondrement. Les personnes interrogées plaçaient l'explosion démographique au second rang des facteurs susceptibles de provoquer un effondrement de nos sociétés et de notre civilisation (voir ici le détail du sondage).

Ces éléments plus heureux ne doivent toutefois pas nous faire oublier l'évolution globale de la démographie mondiale et le caractère, par définition éphémère, de la croissance explosive que nous connaissons. Le graphique ci-dessous remet les chiffres en perspective.

 

 

_________________________________________________________

Vous pouvez retrouver la série d'articles de ce site consacrés à nos effectifs en début d'année :  

 

Tous les articles intitulés : La population mondiale au 1er janvier :

2009 (6,759 milliards), 2010 (6,838 milliards), 2011 (6,914 milliards), 2012 (7,003 milliards),

2013 (7,082 milliards), 2014 (7,162 milliards), 2015 (7,260 milliards), 2016 (7,358 milliards), 

2017 (7,440 milliards), 2018 (7,534 milliards), 2019 (7,637 milliards), 2020 (7,703 milliards), 

2021 (7,800 milliards), 2022 (7,888 milliards), 2023 (7,984 milliards), 2024 (8,075 milliards)

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Nouveauté, cette année les noms des compteurs constituent des liens hypertextes et vous pouvez, en cliquant sur chacun d'eux, accéder directement au site en question.

(1) Population et Sociétés (INED) , Tous les pays du monde, coordonné par Gilles Pison, les chiffres internationaux de l'INED sont eux-mêmes repris d'un document des Nations Unies, World Population Propects (the 2019 revision)

(2) Comme tous les ans, l’échantillon de compteurs ainsi que les bases de calcul retenues par chacun d’entre eux diffèrent de l’année précédente. Au 1er janvier 2020 nous enregistrons deux compteurs supplémentaires : Overpopulation awareness et Population.io. et constatons la disparition du compteur Sputnick présent depuis plusieurs années. D'autre part, le compteur Compteur.net n'a pas été retenu en 2020, ses données étant complètement différentes de celle des autres.

La moyenne indiquée pour 2019 (7,623 milliards) est la moyenne pour les compteurs disponibles en 2019 et en 2020 (9 compteurs) la moyenne pour 2020 est celle pour les compteurs disponibles en 2020 (soit 11 compteurs avec prise  en compte de Overpopulation awareness et Population.io).  Cette non identité de l'échantillon avec celui du 1er janvier 2019 fait que la moyenne présentée pour 2020 diffère de celle proposée l'an dernier pour cette même année 2019 (7,637 milliards).

La moyenne de la croissance est calculée sur la différence entre les moyennes 2019 (sur 9 compteurs)  et 2020 (sur 11 compteurs).

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31 décembre 2019 2 31 /12 /décembre /2019 09:44

Economie Durable vous présente ses meilleurs vœux

Heureuse année 2020 à toutes et à tous.

Annapurna

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14 septembre 2019 6 14 /09 /septembre /2019 20:04

Comme tous les deux ans, après l’ONU qui a publié fin juin ses nouvelles estimations de l’évolution de la population mondiale, c’est au tour de l’INED, via la revue Population & Sociétés, de nous proposer un panorama de la démographie planétaire ainsi que ses projections pour 2050.

Sous la direction de Gilles Pison, cette étude (téléchargeable ici permet d’établir un suivi démographique régulier : effectifs, densité, fécondité, mortalité, espérance de vie, revenus...  L'ONU et l'INED parviennent évidemment à des résultats très semblables les bases étant largement communes. Voir également pour ces sujet la World Population Data Sheet, réalisée en 2018 par le Population Reference Bureau

Voici les principales données à retenir de cette étude. Les estimations sont fournies pour la mi-année 2019. Sources : document cité ci-dessus et versions précédentes

 

Evolution de la population mondiale par continent (en millions)

                         2005       2007      2009        2011      2013       2015     2017    2019

Afrique              906          944       999       1 051       1 101     1 171     1 250    1 308

Amérique         888          904        920          942          958        987     1 005    1 015

Asie               3 921      4 010     4 117       4 216       4 305     4 397      4 494    4 601

Europe             730         733        738          740         740        742         745       747 

Océanie             33           34          36            37           38          40           42         42

Total Monde   6 477     6 625     6 810      6 987     7 143      7 336     7 536     7 714

 

  Evolution de la population et taux de croissance annuel 

    De 2005 à 2007  + 148 millions hab.   soit par an  +  74 ou  + 1,1 %

    De 2007 à 2009  + 185 millions hab.   soit par an  +  92 ou  + 1,5 %

    De 2009 à 2011  + 177 millions hab.   soit par an  +  88 ou  + 1,3 %

    De 2011 à 2013  + 156 millions hab.   soit par an  +  78 ou  + 1,1 %

    De 2013 à 2015  + 193 millions hab.   soit par an  +  96 ou  + 1,3 % (*)

    De 2015 à 2017  + 200 millions hab.   soit par an + 100 ou  + 1,4 % (*)

    De 2017 à 2019  + 178 millions hab.   soit par an +  89  ou  + 1,2 %

                             

                              Evolution des taux de fécondité

 (Indice Synthétique de Fécondité, isf : nombre d'enfants par femme au cours de sa vie)

                             2005      2007      2009      2011     2013     2015     2017    2019

Afrique                    5,1          5,0         4,8        4,7         4,8        4,7       4,6       4,4

Amérique                2,4          2,2         2,2        2,1         2,1        2,0       2,0       1,9

Asie                        2,5           2,4         2,3        2,2         2,2        2,2       2,2       2,1

Europe                   1,4           1,5         1,5        1,6         1,6        1,6       1,6        1,6

Océanie                 2,1           2,1         2,5        2,5         2,4        2,5        2,3       2,3

Total monde         2,7           2,7         2,6        2,5         2,5        2,5        2,5       2,4

 

Evolution des projections mondiales pour 2050

                       INED 2009 : 9,4 milliards,  ONU : 9,1 milliards

                       INED 2011 : 9,6 milliards,  ONU : 9,3 milliards

                       INED 2013 : 9,7 milliards,  ONU : 9,6 milliards

                       INED 2015 : 9,8 milliards,  ONU : 9,7 milliards

                       INED 2017 : 9,8 milliards,  ONU : 9,8  milliards

                               INED 2019 : 9,7 milliards,  ONU : 9,7  milliards

 

 

Evolution des projections pour  2050 par continent

                                                                 (Source : Ined , en millions)

                                     2009         2011       2013        2015       2017     2019

Afrique                        1 994        2 300       2 435       2 471      2 574     2 489

Amérique                    1 205        1 216       1 228       1 221      1 227     1 188

Asie                             5 461        5 284       5 284       5 324      5 245     5 290

Europe                           702           725          726           728        736        712

Océanie                           58             62            58             59          63          58

Total Monde                9 421       9 587       9 731      9 804      9 846     9 738

 

_________________________________________________________________________________

 

L'étude de l'INED marque pour la première fois depuis une bonne dizaine d'années une certaine inflexion de l'évolution démographique. 

Certes, la croissance n'est ni stoppée ni même fortement ralentie (le passage de + 1,4 % à + 1,2 % par an entre les deux dernières publications est certainement lié à une surestimation des chiffres précédents *). Mais, pour la première fois, les projections pour 2050 sont  - très légèrement - revues à la baisse,  on passe de 9,8 à 9,7 milliards  pour le mitan du siècle. Or, depuis 2009, au  contraire, ces projections étaient presque systématiquement rehaussées d'une étude à l'autre à l'ONU comme à l'INED.

Principaux éléments par continent :

Afrique : L'Afrique poursuit son léger mouvement de baisse de la fécondité (4,4 enfants par femme en 2019 contre 4,6 en 2017, 4,7 en 2015 et 5,0 en 2009), cette tendance est  un bon signe mais reste  évidemment bien insuffisante pour assurer une rapide transition démographique (tendanciellement,  chaque couple donne encore naissance à plus de 4 personnes). Globalement, le taux de croissance démographique africain sur les deux dernières années s'établit à 2,3 % par an (gain de 58 millions d'habitants en deux ans), ce taux est toutefois peut-être entaché d'imprécision car il marquerait une diminution très sensible par rapport à l'étude précédente où il s'élevait à 3,2 %). La population reste très jeune (41 % a moins de 15 ans contre 26 % dans l'ensemble du Monde, Afrique comprise). Il y a donc un très grand nombre de personnes en âge ou s'apprêtant à atteindre l'âge d'avoir des enfants, promesse de nombreuses naissances dans les années futures, même en cas de tassement de la fécondité.

Avec 1,3 milliard d'habitants, le continent (qui en hébergeait à peine plus de 200 millions en 1950 et 800 millions en 2000) devrait frôler les 2,5 milliards  en 2050 (projections en légère baisse, en cohérence avec le tassement de la fécondité). Pour 2100, les projections de l'ONU,  l'Ined ne publiant pas à cette échéance - tablent sur presque 4,3 milliards d'habitants, 

L'Afrique continue de truster les records de fécondité mais marque là aussi un léger recul  (6,8 enfants par femme au Niger contre 7,3 en 2017 et  5,3 au Nigéria contre 5,5 précédemment). Ce pays, le géant démographique du continent, héberge 201 millions d'habitants et devrait doubler sa population d'ici 2050 ! Le Niger, lui, connait un taux d'accroissement record de 3,8 % par an (soit un rythme de doublement de la population en 19 ans et de décuplement en 62 ans !)  Toutefois, on ne compte désormais plus qu'une dizaine pays où l'indice synthétique de fécondité dépasse 5 enfants par femme, tous en Afrique intertropicale (20 étaient au-delà de ce seuil lors de l'étude précédente en 2017).

En Afrique du Nord, l'Egypte passe les 100 millions d'habitants (30 fois plus qu'il y a 200 ans !), elle est le troisième pays le plus peuplé du continent après le Nigéria (201 millions donc et l’Éthiopie 113 millions. Avec 3,3 enfants par femme, l'Afrique septentrionale tarde à s'aligner sur les modèles occidentaux et la relance de la fécondité constatée après les printemps arabes n'est pas encore effacée.

La jeunesse de la population (qui réduit mécaniquement la mortalité), et la forte fécondité sont les  composantes majeures de l'explosion démographique africaine, mais s'y ajoute également la progression  de l'espérance de vie.  Elle était, femmes et hommes confondus, de 53 ans en 2007, elle est passée à 62 ans pour les hommes et 65 ans pour les hommes en 2019 ! , l'espérance de vie mondiale (Afrique comprise)  est respectivement de 71 ans (h) et 75 ans (f). Néanmoins, la mortalité infantile en Afrique (45 pour 100) reste assez forte au regard de celle du reste du monde (28 pour 1000),

 

Asie : L'Asie est le continent le plus peuplé (4,6 milliards). Elle devrait encore gagner 690 millions d’habitants d’ici 2050. Notons que contrairement au reste du monde l'estimation pour 2050 a été revue à la hausse (5,290 milliards contre 5,245 prévus dans l'étude 2017) La fécondité y est toutefois en légère baisse : 2,1 enfants par femme contre 2,2 il  y a deux ans.

L'Inde a maintenant 1,366 milliards d'habitants et la Chine 1,434  (curieusement une révision des estimations a conduit à augmenter l'écart entre les deux pays alors que l'Inde était sur le point de rattraper la Chine). Ce n'est évidemment que partie remise, avec une fécondité de 2,2 (2,3 en 2017) contre 1,7 pour la Chine, l'Inde sera prochainement le pays le plus peuplé du monde

Quoique marginale sur le continent avec 275 millions d'habitants, l'Asie occidentale (essentiellement le Moyen Orient) connait encore une fécondité élevée : 2,6 enfants par femme.  Les pays d'Asie centrale sont également très féconds  (isf à 2,7) mais avec peu d'habitants (73 millions) au regard de l'ensemble du continent.

En Asie du Sud, notons les très fortes fécondités de l'Afghanistan (isf de 4,3 en baisse sensible toutefois, pour 38 millions d'habitants) et du Pakistan (isf de 3,5 pour 217 millions d'habitants). Le Bangladesh, malgré une densité record de 1 132 habitants au kilomètre carré (presque 10 fois la France, qui dans ces conditions hébergerait 630 millions d'habitants ), est maintenant au seuil de renouvellement des générations : 2 enfants par femme.  L'Indonésie dépasse désormais les 270 millions d'habitants et se situe à 2,3 enfants par femme.

Europe : Avec 747 millions d'habitants (+ 2 millions en 2 ans !) dont 513 pour l'Europe des 28, ce continent est le seul  qui  se trouve sur la voie de la stabilisation et même de la décroissance démographique. puisqu'on attend 712 millions d'habitants en 2050 soit une baisse de 35 millions dans les 31 ans à venir. Cette baisse attendue s'est même accentuée puisqu'en 2017 les mêmes  projections s'établissait à 736 millions.  Attention toutefois aux phénomènes migratoires beaucoup plus imprévisibles et  qui y sont importants du fait de la forte attractivité du continent notamment envers l'Afrique. Quelques nations connaissent déjà une évolution  négative du solde naturel (hors migrations donc) ce sont  notamment l'Allemagne et l'Italie,  d'autres même de leur population globale (Portugal, Pologne, Bulgarie Roumanie entre autres).

Globalement l'indice de fécondité s'y établit à 1,6 c'est curieusement le seul continent qui est stable de ce point de vue, mais c'est aussi là qu'il est le plus bas. : Les Europe septentrionale et occidentale restent un peu plus fertiles avec, en Europe septentrionale : 1,8 enfant par femme (1,7 en Europe occidentale) alors qu'en Europe méridionale  l'isf s'établit à 1,3  C'est dans cette région que l'on rencontre les taux les plus bas (Grèce, Espagne et Italie sont à 1,3). La fécondité ne semble pas forcément être preuve de bonne santé puisque, par ailleurs, l'Europe méridionale  (comme le Japon, également peu fécond) sont parmi les pays profitant de la plus longue espérance de vie : environ 85 ans pour les femmes et 80 ans pour les hommes ! 

Pour sa part, la France métropolitaine comptait à mi-juillet  65 millions d'habitants et devrait en héberger 68 en 2050. Cette projection pour notre pays vient donc d'être largement revue à la baisse (trop sans doute, car en 2017 on prévoyait 72 millions d'habitants à périmètre égal en 2050 ! c'est une évolution étonnante).

Amérique : Le continent américain compte désormais 1,015 milliards d'habitants et devrait en avoir un peu moins de 1,2 milliard en 2050 (projections à la baisse par rapport aux précédentes là aussi).

L'indice synthétique de fécondité globale s'y établit à 1,9 enfant par femme, toujours un peu plus faible au nord et un peu plus fort en Amérique Centrale (2,2). Soulignons encore une fois que l' Amérique du Sud a maintenant le même isf que l'Amérique du Nord ce qui constitue une bonne surprise au regard de ce que l'on pouvait imaginer il y a quelques décennies. Un pays comme le Chili a même une fécondité de 1,7 ! En Amérique du Sud la Guyane française reste le contre exemple avec 3,3 enfants par femme ! 

Si les Etats-Unis restent l'un des pays développés qui connaîtra la plus forte hausse de population d'ici la fin du siècle, cette hausse a été revue à la baisse (de + 71 millions en 2017 à  + 50 millions aujourd'hui (il est vrai que 2 ans se sont écoulés durant lesquels le pays a gagné presque 4 millions d'habitants, mais la tendance reste notable). 

Océanie : La faible population océanienne (42 millions d'habitants) impacte évidemment très peu la démographie mondiale. Les pays les plus développés ont une fécondité de type "occidental" 1,8 enfant par femme  en Australie, 1,9 en Nouvelle Zélande tandis que l'ensemble du continent est à 2,3.

_________________________________________________________________________________

(*) Ces estimations de croissance annuelle de + 1,4 % en 2017 et même de 1,3 % en 2015 peuvent paraître élevées. Ailleurs, dans le même document (tableau 13, p.8 de la publication 2017) on parle plutôt de 1,2 %, ce qui est plus conforme à l'estimation généralement retenue d'une augmentation de la population mondiale légèrement supérieure à 80 millions chaque année. Gilles Pison met d'ailleurs en garde contre les incertitudes et les problèmes liés à des révisions de données plutôt qu'à des changements réels.

Liens vers les articles  relatifs aux projections précédentes publiées en 2015 et en 2017 

Notons également que pour l'une des premières fois, un certains nombre d'universitaires de tous pays viennent de publier une tribune à l'ONU incitant à stabiliser la population.

 

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24 juillet 2019 3 24 /07 /juillet /2019 10:04

Depuis quelques temps, la jeune Greta Thunberg s’impose  comme l’héroïne de l’écologie, la conscience nécessaire qui viendrait réveiller une société qui tarde à prendre la mesure  du problème (et à  prendre des mesures tout court par la même occasion).

S’exprimant fin 2018 à la COP 24 de Katowice, puis début 2019 au forum de Davos, elle vient d’être invitée à l’Assemblée Nationale française.

Entrant ainsi dans l’arène médiatique  Greta Thunberg déchaine les passions. Adulée par certains, elle est cruellement vilipendée par d’autres et parfois soupçonnée d’être le jouet de quelque complot. Voilà que la société se divise en pro et anti Greta !

Curieux débat où l’on semble incapable de distinguer la personne, son rôle et son message.

Que dit Greta Thunberg ? Que le problème (climatique pour l’essentiel de son propos) est très grave, que nous n’en prenons pas la mesure et que nous prenons une terrible responsabilité face aux générations futures.

A-t-elle raison ? Oui (même si la question climatique tend hélas à éclipser la question de l’écroulement de la biodiversité et sa cause démographique sous-jacente sans doute encore plus préoccupantes) A-t-elle raison de le dire et de le marteler ? Oui ! Devrions-nous l’écouter ? Oui !

Subsiste-t-il alors quelques réserves à son action ?  Oui aussi, mais sans doute pas contre elle. Que certains  en viennent à évoquer sa vie privée ou sa santé relève vraiment de l’odieux et du condamnable.

Pour autant, cela n’exclut pas quelques remarques sur notre société. Car sur le fond cette jeune fille dit-elle quelque chose que nous ne sachions déjà ? Non, elle ne fait que médiatiser un problème bien connu. L’intérêt du débat porte plutôt sur la façon dont notre société réagit.

Certains la transforment en maître à penser, le symbole d’une jeunesse plus courageuse, plus intelligente et plus lucide que la génération précédente qui, elle, fermerait les yeux et les oreilles avec bêtise et lâcheté.

On peut comprendre que cette opposition naïve entre les générations puisse agacer, elle est bien sûr ridicule, le problème ne se pose pas en ces termes. Tout comme peut agacer la façon dont certains politiques la soutiennent très médiatiquement pour se sculpter à bon compte une image favorable. Ils s’affichent du bon côté.

Cette polarisation infantile entre les pro et anti Greta, révèle plus sur notre société et son souci d’image qu’elle ne nous apprend comment régler les problèmes.

Greta Thunberg a raison, bravo à elle mais la façon dont certains l’utilisent (je ne dis pas la manipulent, comme le font à mon sens injustement quelques-uns de ses détracteurs) à leur profit, la façon dont notre société a besoin d’idoles, n’augure peut-être pas favorablement de nos chances de succès.

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18 juillet 2019 4 18 /07 /juillet /2019 16:58

Un article de Daniel Martin

L'agroécologie est un terme regroupant les pratiques agricoles liées à l'agronomie, elle vise à utiliser au maximum la nature comme facteur de production en maintenant ses capacités de renouvellement. S’inscrire dans une démarche d’agroécologie signifie adopter des comportements et pratiques adaptés à la nature tout en respectant l’équilibre naturel, ce qui permet d’offrir une agriculture moins consommatrice de ressources extérieures, plus diversifiée, mieux adaptée aux territoires locaux, moins polluante et surtout moins destructrice de biodiversité.

Réalité de la situation anthropique et son impact écologique désastreux sur la planète

L'Homme, seul prédateur au sommet de la pyramide des espèces, ne peut survivre qu'en respectant la complexité des interactions entre son milieu et les autres espèces. Mais par son nombre sans cesse croissant et son économie, il est devenu une force géologique destructrice qui nous fait entrer dans une nouvelle ère que les scientifiques dénomment "anthropocène". Contrairement aux cinq précédentes extinctions des espèces, l'homme est le seul responsable de la sixième extinction des espèces qui est en cours et qui va se dérouler sur une période très courte, peut-être moins d'un siècle, contrairement aux précédentes, dont chacune s'est déroulée sur des millénaires (jusqu'à cinq cent mille ans et peut-être plus). Il est évident que si nous poursuivons l'actuelle trajectoire, nous ne pourrons éviter un effondrement tel que l'envisage l'Américain Jared DIAMOND géographe, biologiste évolutionniste et économiste dans son essai : "Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie", paru en 2005. L'ancien Ministre et ex député des Verts, Yves COCHET, rejoignant les collapsologues, prophétise que « l’effondrement » de la « société thermo-industrielle » entraînera inévitablement la disparition de la moitié du genre humain durant les années trente de ce siècle. Si on se réfère à l'écologie science il est évident qu'aucune espèce ne peut se développer indéfiniment au détriment des autres espèces, comme le fait l'Homme, sans se mettre en danger et disparaître à terme...

Dans le même ordre d'idée, alors que depuis quelques années, nous savons que la planète est affectée par de nombreuses crises écologiques mais, pour autant, aucune mesure politique sérieuse n’est prise pour les endiguer et ce n'est surtout pas sur l'américain Donald TRUMP et son alter ego brésilien Jair BOLSONARO qu'il faut compter. Comme le déclare Pablo SERVIGNE, ingénieur agronome français et docteur en sciences de l’ULB : «  nous ne croyons toujours pas ce que nous savons » Pour tenter de résoudre ce problème grave, ce dernier a écrit plusieurs ouvrages avec le chercheur indépendant en prospective Raphaël STEVENS un livre-manifeste, notamment le premier :"Comment tout peut s’effondrer" (Seuil, 2015), dans lequel ils ont introduit le mot « collapsologie ».

Devons-nous nous ranger pour autant derrière les thèses pessimistes des collapsologues ou partager le catastrophisme d'Yves COCHET, justifié par l'écologie science, c'est à dire considérer que « tout est foutu » et qu'il n'y aurait plus rien à faire de toute façon, ni maîtriser de façon équitable la démographie, ni envisager une nouvelle économie Humaine fondé sur la décroissance, ni s'opposer à certaines dérives politiques ou religieuses violentes dévastatrices, ni lutter pour le climat ou contre la perte de biodiversité, les gaz à effet de serre, l’industrie des combustibles fossiles et l’inaction des gouvernements, ni poursuivre les recherches de tous ordres ? Mais alors à quoi bon servirait la démocratie et ses organisations politiques, syndicales et associatives ?

Ne rien faire, car "tout serait foutu", sous réserve des prophéties d'Yves COCHET, c'est 7,7 milliards d'habitants aujourd'hui, 8,7 en 2030, 10,7 en 2050...15,7 milliards en 2100 ?...

La population mondiale est aujourd’hui estimée par l'ONU à 7,7 milliards d’individus (elle atteindra et dépassera probablement les 8 milliards en 2020). En 2009 elle était de 6,7 milliards. Sauf si les prévisions d'Yves COCHET se confirmaient, mais dans le cas contraire, si la croissance démographique se poursuivait au rythme de la dernière décennie, soit un milliard d'habitants en plus par décennie, il y en aurait 8,7 milliards en 2030, 10,7 milliards en 2050 et 15,7 milliards en 2050...

Pendant la même période, à l'échelle du globe, les pertes de surfaces arables sont estimées dans une fourchette comprise entre 70 000 et 150 000 km2 par an, selon différents calculs experts (soit à titre de comparaison entre 12 et 25 % du territoire français). Toutefois, on peut considérer que la perte annuelle moyenne, est d'environ 100 000 km2 par an. En 40 ans, avec une perte de 4 millions de km2, cela correspond presque à la superficie des 28 pays de l'Union Européenne...

Le vieillissement des populations, du aux progrès de la médecine, est un facteur de croissance démographique pour un très grand nombre d'êtres humains, notamment dans les pays riches, car il compense très largement la baisse du taux de fécondité d'un enfant par femme qui est nettement inférieur à ce qu'il pouvait être à certaines périodes du siècle précédent.

Bien que depuis 1900, en France, tout en évoluant en dent de scie avec une très forte hausse après la fin des deux guerres mondiales du 20ème siècle, le taux de fécondité d'un enfant par femme était , par exemple 2,69 en 1920 ou 2,95 en 1950 (un record) et tout en étant constamment excédentaire par rapport au taux de renouvellement de la population le taux de fécondité a baissé, mais est-on pour autant sur la bonne voie ?

Selon les statistiques de l'INSEE  si en Europe en 2017 la moyenne du taux de fécondité d'un enfant par femme était de 1,60, malgré une légère baisse en 2018, la France détient le plus fort taux de fécondité d'un enfant par femme devant la Suède. Les très Chrétiennes Catholiques Pologne 1,39 et Italie 1,34 ferment la marche. Ce qui peut signifier que les populations les plus imprégné de foi Chrétienne ne suivent pas forcément les préceptes religieux "croissez et multipliez"...

Si l'homme, contrairement à l'animal, n'a pas besoin de vitesse il a toutefois besoin d'espace et de terres arables pour survivre.

Dans la nature l'animal a besoin d'espace et de vitesse pour survivre. Le prédateur doit disposer de beaucoup d'espace et de vitesse pour pouvoir attraper sa proie et la proie d'espace encore plus vaste et doit courir encore plus vite pour lui échapper. Si l'homme n'a plus besoin de la vitesse pour pouvoir survivre, il doit toutefois disposer d'espace. Avec une perte de 275 km2 par jour de terres arables sous le béton et l'asphalte, du aux effets de l'urbanisation, des voies de circulation de circulation routières, ferroviaires à grande vitesse, aéroportuaires et une population qui explose, on peut imaginer l'impact écologique ! Chaque jour, on compte 244.000 nouvelles personnes de plus dans le monde (équivalent à la totalité de la population de la ville de Montpellier), soit + 2,7 par seconde (compteur). Autrement dit, la population mondiale s'accroît chaque année de près de 90 millions d'habitants grâce à un nombre de naissances supérieur (environ 150 millions) à celui des décès (60 millions). A lire également via ce lien :

Quelle est la surface habitable estimée par habitant de la planète ?

La surface totale de la Terre est de 510 000 000 km2, forêts, mer, désert compris. La surface des terres immergées est de 360 000 000 km2 (soit 70,7 %). Celle des terres émergées est de 149 000 000 km2 (soit 29,3 %). La surface des terres habitables (?) 134 000 000 km2 (soit 26,3%). La surface des forêts tropicales est de Un milliard 700 millions d’hectares dont 800 millions au Brésil. Celle des autres forêts de Un milliard 800 millions d’hectares. Les surfaces inhabitables sont officiellement de Un milliard 500 millions d’hectares avec 7,7 milliards humains aujourd'hui et demain ?

Sachant que la surface totale de la terre est de 510 millions de km2, soit 51 milliards d'hectares / 7,7 milliards d'habitants cela fait environ 7,4 hectares par humain, de terre, de mer et de désert. 29 % de terre émergée (pour le moment, avant la fonte des glaces !) donc, 149 millions de km carré, désert compris = 14 milliards 900 millions d’hectares / 7,7 milliards humains = 2,2 hectares par humain de terre et de désert.

134 millions de km carrés sont déclarés habitables, ce qui signifie que les forêts semblent être considérées comme des zones fertiles et habitables. (Un milliard 500 millions d'hectares seraient inhabitables et l’on dénombre 2 milliards 730 millions d’hectares de quasi-déserts).

Si l’on ôte les 2 milliards 730 millions d’hectares des quasi-déserts aux surfaces émergées de la planète on obtient : 12 milliards 170 millions d’hectares / 7,7 milliards d’humains = 1.75 hectare par humain de terre plus ou moins fertile, forêts autres et forêts tropicales comprises.

Sachant que l’effet de serre naturel remonte la température moyenne de la Planète, à chaque degré supplémentaire, les calottes glaciaires fondent, le niveau des mers monte et la surface habitable par habitant diminue.

Selon ces données, déjà, aujourd’hui, c’est 1,75 hectare par humain sans rien de prévu pour toutes les autres espèces terrestres : éléphants, rhinocéros, grands félins, chevaux, moutons, petits mammifères divers ... donc, il y a réellement bien moins de 1,75 hectare par humain si l’on réserve de la place aux animaux.

Avec la dilapidation des terres arables, serait-il possible nourrir 10 milliards d'habitants par une agriculture peu énergivore et respectueuse de l'environnement ?

"La planète souffre et sa guérison semble compromise. La pression exercée par l'humanité sur les écosystèmes est telle que nous consommons chaque année moitié plus de ressources que la Terre n'en fournit. A ce rythme, il nous faudra deux planètes pour répondre à nos besoins en 2030", s'alarmait déjà le WWF (Fonds mondial pour la nature) dans son rapport planète vivante 2012.

C'est ainsi que le professeur d’agronomie, ex-titulaire de la chaire d’agriculture comparée et de développement agricole à AgroParisTech, Marc DUFUMIER prône un changement de paradigme agricole en refusant le modèle imposé par les industriels et en considérant les milieux naturels cultivés dans leur globalité et leur complexité. "Il n’y a pas de recette unique : chaque écosystème est différent. Mais il existe des points communs, comme faire usage du plus intensif à l’hectare de ce qui est le moins coûteux économiquement : l’énergie solaire, le gaz carbonique et l’azote atmosphérique pour que les plantes fabriquent glucides, lipides et protéines. Il faut également limiter au maximum l’emploi d’énergies fossiles et de produits de synthèse". Mais, assez surprenant il rajoute une affirmation "Pas d’inquiétude, on peut largement nourrir 10 milliards de personnes avec une agriculture intelligente et durable". Il évoque même la possibilité de nourrir ainsi 200 millions de Français... Il est vrai que jusqu'à la fin du 19ème siècle l’agriculture traditionnelle, sans pétrole, sans engrais azotés et sans pesticides, est parvenue à nourrir de 1,5 milliard d’humains... Mais en mobilisant 90 % des humains dans cette activité.

Si l’agroécologie est certainement une formule adaptée au changement de paradigme qui s'impose, mais, elle reste toutefois une activité agraire complémentaire à d'autres le Bio, la permaculture et limitée à de petits nombres, car, comment pourrait-on nourrir demain 10 milliards, voire 15 milliards d'individus en mobilisant aujourd'hui 90 % des humains à cette activité, sans avoir recours à un minimum de mécanisation, donc du gaz ou du pétrole et sans réduire les zones d’habitat de la faune ? Avec le niveau de vie occidental, production - consommation - gaspillages... Pour avoir un équilibre naturel avec le nombre d’humains ce serait possible, mais à condition de ne pas dépasser les 300 à 400 millions d'habitants sur la terre. Les pollutions naturelles seraient naturellement absorbées et neutralisées. La diversité des espèces ne serait pas mise en danger. Les productions naturelles mettraient tout le monde à l’abri des famines. Mais voilà c'est mission totalement impossible, car nous avons dépassé de 20 fois ce seuil.

Comme le fait observer Didier BARTHÈS porte-parole de l'association Démographie Responsable: " Nul doute qu'à l'instar de Pierre RABHI, Marc DUFUMIER ne s'occupe que de nourrir et ne pas tenir compte de la nécessité de rendre des espaces au monde sauvage. Par une approche idéologique il refuse de prendre en compte l'immense besoin d'un nombre toujours plus grand d'individus demandant des produits toujours moins chers (on a jamais dépensé si peu pour se nourrir). Il pense que cette agriculture industrielle s'est imposée par les méfaits de quelques-uns et non par la nécessité du nombre. C'est l'approche assez classique dans le monde écolo que l'on peut qualifier d'approche par boucs émissaires. Il ne tient pas compte de l'histoire qui a décrit l'exact contraire de son propos, seule l'agriculture industrielle peut nourrir et a jamais nourri autant de gens. Certes Ce n'est pas durable, ce n'est pas sain, d'accord aussi et il faut changer, mais il faut avoir alors le courage d'évoquer les deux conséquences inévitables : nous nourrirons moins de gens et l'alimentation sera plus chère, c'est incontournable".

Pour conclure

Il ne faudrait pas oublier que l'empreinte écologique mesure la surface de terre et le volume d'eau nécessaire pour produire les ressources consommées par la population humaine chaque année, ainsi que sa capacité à absorber le dioxyde de carbone rejeté. Cette empreinte à l'échelle mondiale a plus que doublé depuis les années 1960 et excède donc plus de 50 % la biocapacité de la planète. S'il est évident que "l'agroécologie", même complétée par d'autres formes d'agriculture soucieuses de la protection des ressources et de la biodiversité ne pourra pas nourrir 10 ou 15 milliards d'humains au niveau de vie Occidental actuel, sans avoir recours à la chimie et au pétrole, dont les réserves s'épuisent, encore faudrait-il éviter les surproductions par l'agriculture intensive, dont la fluctuations des cours boursiers conduit souvent dans les pays riches à les déverser en décharge, ce qui est un comble !

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6 juillet 2019 6 06 /07 /juillet /2019 18:24

Il y a comme ça des dates qui s’imposent. Et vraisemblablement 2019 sera l’année de la prise de conscience de la crise écologique qui vient. Il y a déjà eu pourtant des moments forts en France depuis la candidature de René Dumont à la présidentielle de 1974, en passant par les premiers sommets de la Terre, le Grenelle de l’environnement en 2008, Fukushima, et plus récemment l’Accord de Paris sur le climat en 2015. Mais c’est maintenant que les choses se cristallisent et que beaucoup se sentent pris de vertige devant cette catastrophe qui se dévoile peu à peu à leurs yeux. Comme si les Cassandre qui criaient casse-cou depuis 50 ans étaient enfin entendus, eux qui majoritairement laissaient entendre que le virage écolo devait impérativement être pris avant l’an 2000. Juste un instant, rappelons-nous le beau titre (et aussi le beau livre) « Avant que nature meurt »  de Jean Dorst, publié en 1965…

Dans cette situation, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur ce qu’ils peuvent faire et n’hésitent pas à remettre en question leurs habituels voyages en avion (1). Car si manger bio et local, diminuer sa consommation de viande, préférer les douches aux bains et porter des vêtements éco-conçus constituent des actes positifs, ils sont largement annihilés par l’impact d’un voyage en avion pour les vacances. Comme le résume Julien Goguel dans un manifeste publié récemment dans Libération« une semaine de vacances à Bali avec trajet aérien émet autant de CO2 qu’une année de vie en France [...] Ne plus prendre l’avion, c’est supprimer un coût énorme pour le climat ».

Car prendre l’avion, c’est non seulement émettre 285 grammes de CO2 sur un kilomètre contre seulement 14 grammes en train selon l’Agence Européenne de l’Environnement (AEE), mais aussi le plus souvent parcourir bien plus de kilomètres. Et il n’y a pas que le CO2, mais encore l’impact des traînées, et autres polluants à prendre en compte en défaveur de l’avion.

Cette attitude de boycott du transport aérien, qui se veut responsable, a même un nom : le «flygskam» qu’on peut traduire par la «honte de prendre l’avion» ; et prend à contre-pied les prévisions en bleu azur promises au secteur de l’aérien avec un trafic mondial qui devrait doubler d’ici à 2030-2037 pour atteindre 8.2 milliards de voyageurs en s’appuyant sur 30.000 à 40.000 appareils supplémentaires. Prévisions qui semblent incompatibles avec le respect de l’accord de Paris, qui prévoit une réduction des émissions de gaz à effet de serre de moitié à cet horizon.

Et ce flyskam est susceptible d’avoir un impact d’autant plus fort que la majorité des voyages, selon l’enquête nationale 2017 de la direction générale de l’Aviation civile auprès des passagers aériens en France, se font pour les vacances à 49 %, et à titre privé en visite à des amis ou de la famille à 22 %. En un mot l’immense majorité de ces voyages peut être remis en question, sans compter qu’une partie des déplacements professionnels (qui représentent 28 % du total des voyages) pourraient eux aussi passer au tamis d’une pratique plus écologiquement responsable.

Mais la bonne volonté écologique risque, sauf pour les plus motivés, de se dissoudre devant le surcoût des voyages en train car le problème est que le train reste souvent bien plus cher que l’avion. Même pour des trajets intra-européens de courte distance, l’avion est plus avantageux économiquement. Par exemple, pour un Paris-Londres en aller simple pour un adulte, un trajet avec une compagnie aérienne «low cost»  coûte moins de 60 €, contre plus de 100 € en Eurostar. Même chose pour un Paris-Amsterdam dont le coût est le double en Thalys par rapport à une compagnie aérienne : 65 € contre 130. 

Ceci est d'abord le résultat d'une politique volontariste, avec un transport aérien très souvent objet de subventions directes : faut-il rappeler les aides apportées par les chambres de commerce aux aéroports ? Subvention qu'il conviendrait de proscrire aussi vite que possible tant il est absurde d'encourager une activité polluante financée par les impôts de tous. Et c'est d'ailleurs pour contrer le moindre coût du transport aérien dont l'environnement économique constitue d'abord une niche fiscale grâce à l'exemption de bien des taxes (voir la Convention de Chicago et ses suites) , que certains députés ont proposé de taxer sérieusement le kérosène et d'augmenter le taux de TVA sur les billets d'avion.  

Mais cela risque de ne pas suffire pour rendre le train attrayant et diminuer drastiquement le nombre de vols, et ce d’autant plus que pour un voyage moyen-courrier intra-européen le temps nécessaire au voyage est sans commune mesure entre l’avion et le train.

D’où cette proposition que nous faisons que le prix final d’un transport aérien agrège à son propre prix le coût moyen du même voyage en train, surcoût qui compenserait les externalités négatives liées à ce type de mobilité et pourrait être utilisé pour adapter les infrastructures favorables aux mobilités douces. Cela n’empêcherait pas la concurrence de s’exercer entre les compagnies aériennes, mais cette taxe permettrait aux 59 % de personnes qui se disent prêtes à «préférer le train à l’avion pour des raisons écologiques» de faire ce choix sans être pénalisées. Et éviterait d’aller jusqu’à interdire les vols domestiques intra-européens (2), la régulation ainsi introduite semblant assez forte pour provoquer une réorientation drastique de notre consommation de voyages.

Toutefois il est nécessaire de se rendre compte de l'impact d'une telle mesure : on peut vouloir la baisse drastique du transport aérien et en même temps se préoccuper des conséquences d'une telle orientation sur un plan social économique et personnel aussi. Car beaucoup de familles ont des membres qui vivent à l'autre bout de l'Europe et que seul l'avion aujourd'hui leur permet d'aller voir une ou deux fois par an de façon pratique. Bref, une période de transition est nécessaire (3), le temps que se mette en place des liaisons par train de nuit; que les compagnies réduisent la voilure, que ce soit en terme d'appareils ou de salariés à qui il faudra proposer des solutions; que les aéroports et les décideurs aussi s'adaptent à la nouvelle donne... C'est un changement, et il est fort, qui frappe de plein fouet tout un secteur à qui les spécialistes prédisaient une croissance sans nuage, en prolongeant simplement les courbes. Bref, le secteur aérien est emblématique de pans entiers de l'économie que la transition écologique va percuter en imposant tout simplement une régression : il est illusoire de croire et de laisser croire que des évolutions techniques issues de recherches pointues permettent à ce type de secteur économique de continuer à croître en touchant de plus en plus d'acteurs.

« Un homme, ça s’empêche » disait Camus … il est temps que nous nous appliquions collectivement la formule de Camus. Et tant pis pour cette mondialisation trop facile qui se faisait au détriment de nos écosystèmes !

_______________________________________________________

(1) In Le Figaro, « Ces Français qui ne prennent plus l'avion pour préserver la planète », 13 avril 2019.

(2) Pour les vols long-courriers et/ou extra-européens, le prix total  pourrait aussi être calculé en ajoutant au prix du billet d’avion une taxe basée sur la distance kilométrique parcourue. Effet dissuasif garanti qui amènera à recentrer nos vacances sur des destinations proches, ou à prendre vraiment  le temps de voyager pour découvrir le monde.

(3) Une période de 5 ans devrait permettre aux différentes parties prenantes de s’adapter même si ce temps donné ne permettra d’éviter une certaine casse. Il suffit d’avoir à l’esprit le temps d’amortissement d’un avion pour mesurer les conséquences d’un tel virage, mais nous n’avons malheureusement plus 20 ans devant nous.  Concrètement la taxe construite sur la base du coût moyen du même voyage en train pourrait être appliquée de manière progressive par tranche de 20 % par an et atteindre ainsi 100 % après 5 ans.

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21 mai 2019 2 21 /05 /mai /2019 14:24

Un article d’Hervé Juvin 

Préalablement publié dans la revue  Eléments,

Les oiseaux des champs ne sèment ni ne moissonnent; ils ont disparu. Le berger ne conduit plus son troupeau vers la sécurité de la bergerie; il le laisse dans les pâturages clôturés,  en espérant que le loup n’y est pas et les exploitants de vergers louent des ruches pour s’assurer la fertilisation de leurs pommiers, poiriers et autres pruniers. Les abeilles sont mortes.

Quoi de plus éloigné en apparence de la géopolitique ? Rien de plus proche en réalité. Car la sixième extinction des êtres vivants sur la Terre en annonce une septième, celle de l’espèce humaine. Et la crise écologique qui s’annonce marque à la fois l’achèvement du projet prométhéen de la modernité – en finir avec la nature dans l’homme comme dans le monde – et tout aussi bien la disparition de l’homme comme personne humaine. Que perdent leur sens les unes après les autres toutes les grandes métaphores auxquelles les religions ont puisé, auxquelles les régimes politiques ont dû leurs expressions les plus saisissantes – du berger avec son troupeau au renard dans le poulailler - est une autre forme de sortie de la religion et de l’effondrement du politique qui devrait d’avantage retenir l’attention. De quelle religion, de quelle politique relèvent les enfants qui, appelés à dessiner un poisson dessinent un carré surgelé ?

Rien de littéraire dans les enjeux de la nature. Maîtrise de la démographie et des migrations, course aux ressources naturelles, gestion des nouvelles raretés et rétablissement de conditions sanitaires favorables à la vie humaine, autant de chantiers qui appellent la science des systèmes complexes comme science dominante du futur avant l’économie, avant le numérique, avant l’intelligence artificielle car ces sciences considèrent les modalités de la vie alors que l’écologie est la science de la vie elle-même.

L’hypocrisie américaine

Le problème est que l’écologie politique trahit la science écologique. Au cœur du débat mondial qui vient trois paradoxes de l’écologie sont à l’œuvre et vont éclater non sans dommages :

- L’éloge de la mobilité signifie l’affranchissement de droit de l’individu des conditions naturelles, géographiques climatiques, de son établissement donc soit l’artificialisation de son environnement, soit la concentration de la population humaine dans les zones les plus favorables donc la destruction des écosystèmes en bonne voie sous la pression démographique des nouveaux nomades. L’œuvre écologique, immense, est le fait de l’adaptation contrainte des populations humaines à leur milieu ; prisonniers de la géographie, du climat, de la nature, les hommes ont constitué le trésor qui s’appelle culture et civilisation pour revendiquer ces contraintes en en faisant le moyen de leur liberté et de leur singularité. L’air conditionné comme l’avion low coast, épargnent et cette contrainte et cette liberté; que vont-elles faire des cultures et des civilisations ?

- L’évaporation de préoccupations locales, définies, circonscrites, dans les grandes théories planétaires, au détriment de l’autorité de l’État et de la tenue des frontières fait fureur. Les ONG et les fondations en sont les premiers acteurs qui n’hésitent pas à traîner un État devant les tribunaux pour n’avoir pas satisfait leurs oukases fondés sur la supériorité du droit sur la politique - en fait, sur le totalitarisme du droit. La réalité est que seul un État en pleine possession de son territoire et en pleine autorité sur tous les acteurs présents sur ce territoire, entreprises privées comme ONG et collectivités territoriales comme investisseurs est capable d’imposer les contraintes nécessaires au salut.

- L’appropriation des sujets écologiques par des ONG qui vivent des dons des grandes entreprises ou des certifications ou des prestations qu’elles leur vendent, est un détournement de fonds ou un abus de confiance. Nul ne mord la main qui le nourrit. L’hypocrisie américaine est muette sur le plus éclatant des conflits d’intérêt, celui qui veut que les agences de notation soient payées par les sociétés dont elles notent la dette, ou les pollutions, et que les ONG qui revendiquent le monopole du Bien et la conversion des indigènes émanent de quelques-uns des plus grands criminels parmi ceux qui ont ruiné les États, volé des milliards d’impôts dus et non payés, organisé le pillages des données personnelles de millions de naïfs qui croyaient aux services gratuits du Net. Et devinez pourquoi les ONG sont si agressives contre les États qui veulent gérer leur territoire, et si discrètes à l’égard des sociétés américaines qui exploitent ces mêmes territoires, si virulentes contre les nations qui affirment leur insoumission au globalisme, si complices avec les géants du Net dont le modèle économique est la surveillance universelle des populations !

L’impuissance éprouvée à faire face à l’effondrement des systèmes vivants pose, la question la plus politique qui soit, celle des conditions de l’action collective. Elle dénonce l’aberration de l’individu des Droits de l’Homme qui enrôle l’État à son service pour affaiblir toujours plus l’unité nationale, détruire les institutions unificatrices et paralyser les demandes d’identité commune. Elle signale la soumission à la technique comme l’effet direct de la sortie de toute limite et de l’incapacité politique croissante à fixer les règles de la vie collective. Et elle appelle un nouvel âge des institutions internationales. Toute ont été bâties sur la promesse d’une croissance illimitée comme moyen de paix. Elles ont bien rempli leur mission, pour qui considère que l’écart des niveaux de vie a provoqué l’éclatement pacifique de l’Union Soviétique et suscité la sortie de la pauvreté de centaines de millions d’asiatiques Mais la promesse est intenable. La quête à tout prix de la croissance, condition du maintien au pouvoir de nombreux régimes, devient promesse de course aux ressources rares, de recolonisation, à la fin de guerre de tous contre tous. Rien de moins qu’un nouveau système international est en jeu. Il est regrettable que l’obsession des droits individuels rende l’immense majorité des militants écologistes de bonne foi insensibles aux conditions collectives de l’action pour l’environnement. Elles s’appellent autorité de l’État, unité nationale, diversité collective, liberté politique. Elles remontent loin dans notre mémoire politique. C’est pour nous conduire plus loin dans un avenir choisi.

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Cet article d’Hervé Juvin a été préalablement publié dans la revue Éléments, numéro 177, p.15,  rubrique : carnet géopolitique. Tous nos remerciements à Éléments pour nous en avoir autorisé la reprise sur ce site.

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9 mai 2019 4 09 /05 /mai /2019 20:04

Alain Hervé vient de nous quitter. Voici en son hommage, Échouage, ce poème qu’il avait rédigé en 1966 et qui concluait ses écrits de quart lors de son voyage "au vent d'Aventure".


La mer s'est mise à la côte
ce matin trompée par la brume
elle est venue s'échouer
sur la grande plage plate
interminable
l'ampleur des travaux nécessaires
pour lui faire reprendre le large
fait craindre qu'elle ne doive rester
à la côte définitivement

in "Au vent d'Aventure  A la recherche des îles perdues" - Écrits de quart. Arthaud, Paris, 1969.
 

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22 avril 2019 1 22 /04 /avril /2019 21:00

Ceci n’est pas un appel à la violence ; il s’agit seulement de poser la question du rapport entre le recours possible à la violence et un mouvement dont le fondement et l’objectif sont de défendre les actuelles conditions de vie sur notre planète à l’ère de l’anthropocène, ou au moins d’en limiter au maximum l’évolution négative générée par la société urbano-industrielle et ses choix de développement.

Car cette question est d’abord l’histoire d’un échec.

Dès le début des années 70 du siècle dernier, il y a presque 50 ans, les écologistes alertent les populations et les gouvernants de la nécessité d’agir en réorientant amplement nos sociétés, leurs démographies et leurs modes de vie sous peine d’une catastrophe écologique majeure à moyen terme. Et que voit-on, que constate-t-on si ce n’est que la société urbano-industrielle n’a depuis qu’amplifié sa prédation sur les ressources de la planète, générant toujours plus d’impacts délétères, de pollutions, de déchets et de dégâts ? Avec une augmentation de la consommation sans précédent dans l’histoire dans les pays riches. Avec aussi une population mondiale dont le nombre a quasi doublé et qui a vu des centaines de millions d’habitants sortir de la pauvreté pour approcher des standards de vie très consommateurs de ressources des occidentaux. Bien sûr, quelques efforts ont été faits et les aberrations les plus criantes ont parfois été amoindries, sous le couvert plus que médiatisé du développement durable et de l’économie circulaire. Mais le résultat est tout de même que les choses s’aggravent sur un plan écologique, contredisant de plein fouet les déclarations émises années après années lors de différents sommets mondiaux proclamant l’urgence d’agir et ne débouchant que sur un presque-rien dérisoire.

Face à cette incapacité à modifier une trajectoire suicidaire à terme, face à cette «étrange défaite» (1) de nos systèmes politiques incapables de négocier sérieusement un virage écolo, aujourd’hui l’inquiétude monte. Et le besoin d’agir est ressenti comme une obligation par nombre de concitoyens. Après les pétitions, après les simples manifestations, apparaît désormais un mouvement de désobéissance qui séduit de plus en plus les Français. Après l’annonce de la naissance d’Extinction Rébellion France dans l’Hexagone en mars et quelques actions coups de poing en avril, les activistes écologistes n’hésitent plus, par exemple, à entrer à l’intérieur du siège de Total à la Défense, où ils ont déployé un portrait d’Emmanuel Macron volé il y a quelques semaines dans une mairie.

Ce n’est pas la première fois que des écologistes lancent des actions ne respectant pas la légalité, du démontage d’un Mac Do à Millau avec José Bové à la pénétration dans des centrales nucléaires pour alerter sur leurs faibles dispositifs de sécurité. Mais il s’agissait de petits cercles de militants. Le mouvement de désobéissance qui s’amorce semble avoir une toute autre ampleur et se revendique comme un mouvement de désobéissance civile de masse. Comme le dit un militant d’Extinction Rebellion (2) : «nous prônons la désobéissance civile pour perturber la vie des gens, créer l’effet de surprise pour les faire réagir. Il faut éveiller les gens, leur dire la vérité, il nous reste une dizaine d’années pour changer nos modes de vies. Il y a urgence à changer de modèle».

Si ces écologistes mettent en avant  et proclament haut et fort leur choix de la non-violence, il est toutefois à noter qu’ils s’affranchissent d’ores et déjà du respect de la légalité : manifestations non déclarées, intrusion dans des espaces privés, vols symboliques. Or qu’ils le veuillent ou non, s’affranchir des règles communes, c’est déjà une forme de violence pour une collectivité régie par le droit. Et c’est là qu’il semble utile de s’interroger : l’urgence dont ils se réclament associée à l’importance reconnue par de hautes instances scientifiques du respect des équilibres écologiques ne justifie-t-elle pas de braver quelques règles et de s’autoriser une certaine violence pour faire bouger nos sociétés ? Leur combat n’est-il pas légitime et l’inaction coupable ? Et si ce combat-là est légitime, alors qu’est-ce qu’une entorse aux règles communes sinon le meilleur moyen de nous sauver ? Un péché bien véniel face aux catastrophes potentielles … mais qui dira alors quelles sont limites au non-respect des règles, à la violence utile pour infléchir un destin commun ? Après tout, crever les pneus d’un 4 x 4 qui contribue à la pollution aux particules fines et participe à la mort de milliers de personnes n’est-il pas aussi un moyen d’alerter ? De même occuper ou endommager un aéroport pour bloquer des milliers de personnes qui voyagent en polluant et sans même vraiment payer de taxes sur le kérosène ? Alors, jusqu’où la violence ira-t-elle ? Et surtout ne risque-t-elle pas d’ajouter à terme une nouvelle couche d’incertitude à des sociétés fragilisées par la crise écologique qui s’avance, et d’être ainsi contre-productive ?

En tous cas, la violence écologique qui pointe, même petite, même légère, est bien le prix à payer d’une inaction répétée pendant un demi-siècle ; si cette incapacité à agir se poursuit, alors on peut prédire sans trop de risques qu’avec la légitimité qui la caractérise, la violence écologique a de beaux jours devant elle.

Mais cette lecture historique qui mène de l’inaction écologique de nos sociétés à un activisme jouant avec la légalité n’est pas la seule à pouvoir être conduite. Il est aussi possible d’y voir un débordement des États qui ont seuls le monopole de la violence légitime dans nos sociétés démocratiques. Le réchauffement climatique, l’acidification des océans, la pollution aux particules fines qui se moque des frontières, les atteintes à la biodiversité sont des phénomènes d’ordre mondial affectant toute la planète et ne relevant pas seulement d’un État (3). Le monopole de la violence légitime confiné à l’intérieur de chaque état ne semble pas forcément très efficient en ce domaine : dans les désordres qu’annonce la crise écologique qui vient, on pourrait alors s’interroger sur la naissance d’un monopole d’un autre type de la violence légitime dont tenteraient de s’approprier des ONG internationales écolos (4), comblant ainsi un manque que les institutions internationales actuelles et autres COP n’ont pas su remplir.

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1 : Comment ne pas faire référence à l’ouvrage de Marc Bloch écrit suite à l’effondrement français en 1940, L’étrange défaite, Paris, Société des Éditions Franc-Tireur, 1946

2 : Cité in «Extinction Rebellion France»: des militants écologistes ont investi la Défense, par Mathilde Golla et Yohan Blavignat, le Figaro, 19/04/19

3 : Toutefois, si les effets impactent la planète dans sa globalité, certains défendent que le cadre de l’action doit surtout se situer au niveau des États. Sur ce thème, cf. Hervé Juvin « les trois paradoxes de l’écologie » in Éléments n°177, 2019, p. 15. Pour Hervé Juvin, « la réalité est que seul un État en pleine possession de son territoire et en pleine autorité sur tous les acteurs présents sur ce territoire, entreprises privées comme ONG et collectivités territoriales comme investisseurs, est capable d’imposer les contraintes nécessaires au salut. » En tout état de cause il est clair qu’une réflexion sur ‘le nouvel État écologique’, ses fonctions, son rapport à la démocratie, et ses articulations avec l’ordre international comme avec les collectivités au plus près des territoires qui le composent, est à conduire.

4 : Il est à noter que bien des ONG écolos sont internationales et pensent leurs actions dans un cadre mondial : Les Amis de la Terre, Greenpeace, Extinction Rebellion.

 

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